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L'EUROPE ET L'IMMIGRATION

Janvier 2005 - Avril 2015

L'Europe et l'immigration

Une page se tourne

 

Depuis 1974, l'Europe conjugue une baisse de la fécondité et une immigration sans précédent dans l'Histoire universelle... En 2015, le phénomène a pris une nouvelle ampleur. On peut lui trouver quelques similitudes avec les « Grandes invasions ».

 

L'Europe occidentale a longtemps été la seule région du monde épargnée par les vagues migratoires et les invasions. Cette stabilité exceptionnelle a contribué à l'émergence d'une civilisation sans pareille. 

Mais en 1974, pour la première fois depuis l'arrêt des invasions hongroises, il y a mille ans, elle est devenue terre d'accueil et d'immigration. Avec 1,5 million d'immigrants par an jusqu'en 2014, le Vieux Continent est même aujourd'hui la principale terre d'immigration au monde, devant l'Amérique du Nord.

En 2015, le phénomène a changé d'amplitude avec des arrivées en masse qui ignorent les frontières, à un rythme annuel déjà supérieur au million d'individus.

 
 
Migrations capillaires

Dans toutes les sociétés, il se trouve des individus qui font souche loin de chez eux, pour les besoins du commerce, par goût de l'aventure, par le hasard des rencontres et de l'amour... Ainsi des commerçants vénitiens s'établissaient-ils au Moyen Âge à la cour du Grand Khan, à Pékin, tandis qu'un aventureux Toulousain ramenait dans sa patrie une jeune épouse rencontrée sur les bords du Niger !

Ces migrations que l'on peut dire « capillaires », car elles sont trop limitées pour changer la nature des sociétés, n'en sont pas moins essentielles à la circulation des idées et des techniques, et donc au progrès humain. Elles se distinguent des migrations « de peuplement ». Celles-ci se caractérisent par des flux importants, localisés dans le temps et unidirectionnels, comme ci-après...

Colonisations de peuplement

Avant d'accueillir des nouveaux-venus essentiellement originaires d'Afrique et d'Asie, l'Europe a elle-même contribué à peupler les autres continents. Du XVIe siècle au XXe siècle, nombre de ses habitants ont traversé les mers en quête de liberté et de mieux-être. On les évalue à cinquante millions sur quatre siècles, avec un pic dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Jusqu'en 1974, le Vieux Continent avait un solde migratoire négatif, recevant beaucoup moins de gens qu'il n'en voyait partir (Pays-Bas, îles britanniques, Scandinavie...).

 
- migrations européennes

Cette émigration européenne s'est dirigée quasi-exclusivement vers les marges de l'Occident, autrement dit vers des territoires à peu près vierges et seulement peuplés de tribus nomades. Il s'agit des deux extrémités du continent américain : l'Amérique du Nord, le rio de la Plata et le Brésil. Ajoutons-y l'Australasie (Australie et Nouvelle-Zélande), la Sibérie et également la pointe méridionale du continent africain. 

Les Européens ont occupé en nombre plus limité les régions andines et l'isthme d'Amérique centrale, car ils ont été rebutés par la survivance dans ces régions de grandes cultures pré-colombiennes étrangères à leurs traditions.

Ils ont évité partout ailleurs les terres de vieilles civilisations non-occidentales, que ce soit en Asie, dans le monde islamique ou en Afrique inter-tropicale. L'Europe s'est plut à soumettre ces pays mais en réduisant sa présence à quelques poignées de cadres militaires ou civils destinés à encadrer les populations.

- migrations chinoises, japonaises, bantoues...

Les anciennes migrations des Européens sont de même nature que celles qui ont conduit les Chinois du Fleuve Jaune à coloniser leurs marges. Ce mouvement d'expansion se poursuit aujourd'hui avec la colonisation du Tibet et du Sin Kiang, au détriment des populations locales et de leur culture.

Même phénomène, quoique à une échelle réduite, avec la colonisation par les Japonais de leur archipel au détriment des premiers habitants, des Aborigènes blancs, les Aïnous

On peut rapprocher aussi ces migrations de celles qui ont conduit les Noirs d'Afrique, les Bantous, à sortir de leur foyer originel, le bassin du Niger, et occuper en deux millénaires toute l'Afrique intertropicale, en repoussant devant eux les populations aborigènes à peau cuivrée qui y étaient établies (Khoisans, Pygmées, Hottentots).

 
Le basculement de 1974

C'est à l'issue des « Trente Glorieuses » (1944-1974) que l'Europe est devenue terre d'immigration avec un solde net depuis lors positif. Auparavant, les entrées s'étaient limitées pour l'essentiel aux travailleurs algériens et turcs recrutés par les industriels français et allemands ainsi qu'aux rapatriements forcés liés à la décolonisation (Pays-Bas, France, Royaume-Uni).

Ce basculement est intervenu en même temps que s'est effondrée la fécondité des Européennes. Pendant la période antérieure, le Vieux Continent affichait une forte croissance économique mais aussi un indice de fécondité (nombre moyen d'enfants par femme) proche de 3, supérieur à ce qu'il est aujourd'hui au Maghreb, en Turquie ou en Iran. C'était un signe de bonne santé sociale et de dynamisme. « N'y voyons pas un hasard !... note le philosophe Roland Hureaux. La société du baby-boom est la plus favorable qu'il y ait eu aux jeunes dans le partage de la richesse au cours du XXe siècle » (*).

Mais le nombre de naissances a brusquement chuté à partir de 1974 dans presque tous les pays occidentaux, tout comme la croissance économique. L'indice de fécondité est tombé très vite au-dessous du seuil indispensable au remplacement des générations (2,1), la France comptant parmi les rares exceptions. 

Aujourd'hui, dans certaines régions (Italie du nord, Allemagne orientale...) les couples ont en moyenne un enfant tout juste, ce qui implique une division par deux de la population en l'espace d'une vie. Cette implosion démographique est en passe de briser la chaîne des générations par laquelle se sont transmises les connaissances et les valeurs sur lesquelles ces sociétés européennes ont prospéré pendant un millénaire.

L'Europe au tournant

De 1974 à 2014, les nouvelles migrations ont concerné l'Europe de l'Ouest mais aussi l'ensemble du monde occidental : l'Amérique du Nord et l'Australasie, sans compter l'Afrique australe et même, depuis peu, la Russie

Ces migrations, particulièrement vers l'Europe, sont d'une ampleur sans précédent car elles portent sur des millions de personnes par an. Elles sont aussi d'une nature radicalement inédite. En effet, il ne s'agit pas de migrations à l'intérieur d'une même aire de civilisation avec pour seul obstacle de rares populations nomades (Amérindiens, Aborigènes...) comme on l'a vu plus haut. Il ne s'agit pas non plus de migrations de voisinage comme on le voit des Espagnols chassés par le franquisme qui se réfugient en France, des Palestiniens qui fuient Israël et se réfugient dans les pays limitrophes ou des Syriens qui entrent au Liban.

Nous avons affaire cette fois à des déplacements d'une aire de civilisation vers une autre. Ce sont des Orientaux, des Chinois et, de plus en plus, des Africains qui s'installent en Europe occidentale. Les pays d'où ils viennent souffrent d'instabilité et de l'absence d'État de droit mais ne sont pas pour autant démunis de ressources naturelles. L'Afrique équatoriale dispose par exemple d'un fabuleux potentiel agricole et minier qui reste à exploiter.

Ces régions de départ possèdent un héritage civilisationnel très riche dont leurs ressortissants ne sont pas prêts à se défaire à l'instant où ils débarquent sur le Vieux Continent, pas plus que les habitants de celui-ci ne sont prêts à renoncer à une identité qui a fait la grandeur de leur pays et fait encore leur bonheur. Ces réticences réciproques, au demeurant légitimes, ralentissent de plus en plus les processus d'assimilation.

Si les premiers immigrants ont pu généralement s'immerger dans la société d'accueil et s'y épanouir, il n'en va plus de même depuis le début du XXIe siècle. Manquant d'instruction et relégués dans les petits boulots, les nouveaux venus resserrent leurs liens communautaires et forment des quartiers ethniques étanches à la culture environnante.

Il n'empêche que les classes dirigeantes des pays d'accueil continuent d'encourager et plébisciter l'installation des nouveaux arrivants pour des raisons économiques (emplois à bas coût). Mais, soucieuses de leur confort personnel, elles évitent leur contact, tant dans leurs lieux de résidence que dans leurs entourage professionnel. Les classes populaires, quant à elles, doivent s'en accommoder et accueillent somme toute les immigrants avec une abnégation remarquable. C'est tout juste si elles expriment leur irritation devant des communautés qui, pour des raisons religieuses (islam) ou ethniques, se montrent rétives à l'assimilation et au mélange.

Dès 2007, l'ancien secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros Ghali avertissait : « Une immigration sans précaution risque de faire imploser les sociétés occidentales au prix de troubles très graves (choc culturel, structures néo-coloniales, chômage...). Cette prophétie pourrait devenir réalité comme l'attestent le discrédit des institutions européennes, la poussée des populistes, de la Finlande à la Grèce, et la nouvelle vague d'immigration incontrôlée.

La rupture  de 2015

En 2015, l'immigration irrégulière a brutalement dépassé toutes les prévisions. En une seule semaine d'août, les Grecs ont reçu plus de vingt mille clandestins et nous en sommes déjà à un rythme annuel supérieur au million d'arrivées.

En 2016 et au-delà, un rythme annuel de trois à cinq millions d'arrivées n'est plus à exclure pour peu qu'un grand pays d'Afrique comme l'Égypte, le Congo ou le Nigeria sombre à son tour dans l'anarchie. De nouvelles vagues d'arrivées sont aussi à prévoir du côté de l'Algérie (40 millions d'habitants), menacée de faillite par la chute du prix du pétrole, ou encore du Yémen (25 millions d'habitants), ravagé par l'Arabie séoudite, « alliée » de l'Occident et protectrice de l'État islamique... 

L'Union européenne, avec sa population déclinante de 500 millions d'habitants, n'y survivra pas sauf à recourir à la force militaire, voire à des régimes du même nom .

À travers la Méditerranée ou la mer Égée, des rafiots armés par des négriers libyens, turcs ou autres déversent sur les côtes italiennes et les îles grecques des centaines de milliers de « bois d'ébène » qui ont fui l'anarchie moyen-orientale et africaine et risqué leur vie pour accéder au paradis de l'Europe sociale et compatissante.

Certains fuient des pays en guerre comme la Syrie, la Libye ou l'Irak, conséquence du chaos provoqué par les Occidentaux ; d'autres - la grande majorité - fuient des pays paisibles et que l'on dit même en expansion économique, comme l'Éthiopie, le Ghana ou le Sénégal. Certains sont victimes de persécutions indignes mais d'autres ont pu participer à des crimes de guerre. De pauvres hères, avant d'obtenir le droit d'asile au titre de la « défense des libertés », s'entretuent parfois comme on l'a appris en ce mois d'avril 2015 d'un groupe de musulmans sahéliens qui a jeté à l'eau une douzaine de compagnons de voyage dont le crime était d'être chrétiens !

Cette « traite méditerranéenne » d'un nouveau genre est aujourd'hui prise en main par les djihadistes de l'État islamique (Daech) qui y voient une arme de destruction massive contre l'Europe et ses racines chrétiennes qu'ils abhorrent. Pour parfaire leur crime, ils n'hésitent pas à faire le tri parmi les clandestins qu'ils poussent sur les rafiots, en assassinant au préalable sur les plages de Libye ceux d'entre eux qui seraient chrétiens (*).

Confrontée à la violation caractérisée de ses frontières, l'Union européenne semble aussi impuissante que l'était Rome face aux Germains qui, fuyant les Huns, franchissaient le Rhin...

En matière d'immigration avec le traité de Schengen, tout comme en matière monétaire avec le traité de Maastricht, les États membres se sont en effet dépouillés de leurs moyens d'action sans avoir pris la peine de fonder un État européen pleinement solidaire (*). Les milliards d'euros que ces États engloutissent dans des systèmes de défense ultra-sophistiqués apparaissent dès lors comme autant de dépenses inutiles ; aussi inutiles que les « murs » qui se dressent partout, de la frontière tunisienne à Calais en passant par la Hongrie, tels de nouveaux limes (lignes fortifiées destinées par les anciens Romains à arrêter les Barbares).

Par lâcheté et impuissance, nous refusons de nommer la réalité pour ne pas avoir à l'affronter. Nous persistons à simplement qualifier de migrants ou réfugiés les nouveaux arrivants. Nous feignons de nous croire encore capables de séparer le bon grain de l'ivraie, d'accueillir les « vrais » réfugiés et de renvoyer les autres chez eux (combien l'ont été depuis le début de l'année ?)... Dans les faits, nous ouvrons indistinctement à tous les bras au nom de l'impératif humanitaire en oubliant l'avertissement de Michel Rocard : « Nous ne pouvons pas héberger en France toute la misère du monde... La France doit rester une terre d'asile mais pas plus » (TF1, 3 décembre 1989) (*).

En ne respectant plus nos propres frontières, nous tournons le dos à l'essence de la « politique » : la protection de la cité (polis) et de ceux qui y vivent. Nous déstabilisons un peu plus notre société, ruinons les efforts d'intégration des précédents immigrants et prenons le risque d'être entraînés à notre tour dans l'anarchie et la guerre. Au surplus, nous aggravons la situation des pays de départ en les privant de leurs éléments les plus jeunes et les plus dynamiques.

Dans un entretien accordé au quotidien Libération, le 5 mai 2000, Jacques Attali, brillant dilettante de la pensée et de l'Histoire, se hasardait à pronostiquer un « nouveau Moyen Âge » : « Nous connaissons déjà un exemple de ce qui pourrait arriver : la Somalie. Des bandes tribales s'affrontent sans aucun pouvoir pour les séparer (...). Nous vivons en ce moment la période flamboyante de la fin de l'empire (...). Ce Moyen Âge bunkérisé est déjà là : ce sont les guerres locales, les banlieues qui s'isolent, les riches qui s'isolent, les touristes qui se font prendre en otage »...

 

 Politiques de Gribouille

 

Depuis 1974, par frilosité, l'Europe la France et l'Europe rejettent les travailleurs étrangers, même à titre temporaire, mais s'obligent à accueillir de manière définitive une immigration familiale de plus en plus difficile à assimiler...

L'Europe est devenue en ce début du XXIe siècle la principale région d'immigration dans le monde, devant l'Amérique du Nord.

Tout oppose en ce domaine les deux rives de l'Atlantique. Aux États-Unis et au Canada, la plupart des immigrants (Chine, Inde, Mexique, Moyen-Orient, Afrique...) s'intègrent vite et bien en travaillant dur. Ils n'ont d'autre objectif que de devenir d'authentiques Américains ou Canadiens, fiers de leur drapeau et de leur culture. Cette intégration est facilitée par le fait que la moitié des nouveaux arrivants bénéficient d'une formation universitaire.

Rien de tel en Europe où les pouvoirs publics rejettent avec frilosité les immigrants désireux de travailler et n'osent refuser les autres qu'attirent les aides sociales. Cette attitude dissuade les nouveaux-venus de s'intégrer à la société d'accueil (nous sommes « Français de papier mais pas de coeur », entendrait-on dans certaines banlieues). Elle promet aux sociétés européennes de très graves secousses.

« Préférence  nationale »

L'explosion de l'immigration extra-européenne est venue paradoxalement des restrictions à l'entrée légale de travailleurs dans les années 1970.

Avant 1974, les pays européens accueillaient librement de jeunes travailleurs d'Afrique du Nord, de Turquie ou d'Afrique noire dans la mesure où ils trouvaient à s'employer. Certains faisaient souche et se fondaient dans la nation. Mais la plupart, nostalgiques de leurs racines ou rebutés par les conditions de vie et d'accueil, revenaient chez eux au bout de quelques années avec un pécule et se faisaient remplacer par un fils ou un neveu.

Cette immigration, avec ses succès et ses échecs, n'était somme toute guère différente des migrations intra-européennes qui l'avaient précédée. 

Mais à la fin des « Trente Glorieuses » (1944-1974), avec l'augmentation rapide du chômage consécutive à la guerre du Kippour, l'opinion publique et les responsables de droite comme de gauche se rallient à une politique de « préférence nationale ». Dans le souci de réserver les emplois disponibles aux nationaux, ils multiplient les obstacles à l'entrée de nouveaux travailleurs.

Quoique maladroite, cette politique est approuvée par la gauche et l'extrême-gauche en vertu d'un principe tout à fait louable, le « développement autocentré ». Selon ce principe, porté par le principal leader de l'extrême-gauche, le fougueux Michel Rocard, chaque pays, à l'image de la Chine de Mao ou de la Yougoslavie autogérée de Tito, doit se développer avec ses propres forces, sans piller les ressources des autres pays, matérielles ou humaines. Comme on le voit, ce qui était une vérité à vingt ans est devenu une hérésie à soixante...

C'est ainsi que le 3 juillet 1974, en France, une directive suspend l'immigration légale de jeunes travailleurs du tiers monde. La nouvelle réglementation met fin à la « noria » entre pays de départ et pays de travail. N'ayant plus la possibilité de se faire remplacer par un proche et craignant de perdre le peu qu'ils possèdent, les travailleurs étrangers déjà installés en France réclament de pouvoir s'y établir définitivement avec leur famille. Le gouvernement cède à leur pression.

Dès le 1er juillet 1975, Paul Dijoud, secrétaire d'État à l'immigration dans le gouvernement Chirac, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, encourage l'immigration familiale en l'accompagnant de primes et d'aides à l'installation.

C'est le début d'un enchaînement absurde :

- une immigration à faible productivité :

D'un côté, l'État multiplie les encouragements financiers à l'entrée de non-travailleurs dans le pays (femmes, enfants...) et, en même temps, gémit de ne pouvoir correctement les assimiler (éducation, logement, sécurité, assistance, santé) malgré un réseau associatif alimenté par les subventions publiques.

De l'autre, l'industrie ne trouve plus dans l'immigration légale les travailleurs motivés dont elle aurait besoin. Dans la confection, le bâtiment, les travaux agricoles… les employeurs en manque de main d'oeuvre bafouent la loi et le code de travail en multipliant les embauches d'étrangers en situation irrégulière.

- des pays de départ déstabilisés :

La nouvelle réglementation sur le regroupement familial se révèle néfaste pour le tiers monde. Plaçant tous leurs espoirs dans la fuite, les jeunes gens les plus éveillés d'Afrique et du Moyen-Orient perdent l'envie de travailler au développement de leur pays. Une fois installés en Europe avec femme et enfants, ils n'ont plus le souci de nourrir leur famille restée au village. C'est ainsi que diminuent les transferts financiers vers les pays d'origine des immigrants.

Par un effet pervers, les facilités publiques apportées au regroupement familial contribuent à dégrader la condition des femmes africaines ou turques...  En effet, les immigrants qui ont pu régulariser leur situation en France ou en Europe vont chercher dans leur village d'origine une adolescente qu'ils présentent à l'état-civil comme leur épouse et dont ils font leur domestique. Le manège peut se reproduire plusieurs fois avec pour résultat qu'il y a plus de ménages polygames dans les quartiers maliens de Montreuil-sur-Seine qu'à Bamako. 

Au bilan, en contradiction avec le « bon sens » commun, en France et dans le reste de l'Europe, les restrictions à l'emploi légal de travailleurs étrangers ont pour conséquence de favoriser l'immigration familiale et d'intensifier les flux migratoires sans pour autant réduire le chômage ! Elles provoquent aussi l'ouverture de nombreuses filières d'immigration clandestine et l'apparition de nouvelles formes d'esclavage. Elles aggravent enfin la situation sociale des pays de départ, en Afrique notamment, en les privant des jeunes les plus entreprenants.

Immigration « légale », immigration « clandestine »

 

La différence entre l'immigration « légale » (réputée utile) et l'immigration « clandestine » (officiellement réprouvée) tient désormais à peu de chose.

- des « clandestins » de moins en moins clandestins :

D'un côté, bon an mal an, la police fait du « chiffre » en expulsant à prix d'or quelques milliers de réfugiés roumains ou russes... De l'autre, le ministère de l'Intérieur régularise au fil de l'eau les immigrants de toutes origines qui ont pu franchir la Méditerranée ou les sas d'aéroport, ce qui vide de leur sens les réglementations sur la répression de l'immigration clandestine et le travail illégal.

- « regroupement familial » et repli communautaire :

On convient d'appeler « clandestin » ou « sans-papier » un jeune Africain qui traverse au péril de sa vie le détroit de Gibraltar pour s'embaucher dans une exploitation agricole ou une entreprise de construction... mais on considère comme immigrante régulière l'adolescente turque, nord-africaine ou noire qui est livrée par son père à un sien cousin déjà installé en Europe.

Cette cruauté résulte de l'une des ambiguïtés majeures de notre droit, le droit au regroupement familial. Il se fonde sur une conception traditionnelle de la famille occidentale : un homme et une femme qui ont librement décidé de s'unir pour la vie, ainsi que les enfants nés de leur union.

Mais cette conception, outre qu'elle est devenue caduque en Occident où aucun contrat civil n'est aujourd'hui plus éphémère que le mariage, est surtout en contradiction avec les conceptions matrimoniales qui prévalent sous d'autres cieux (polygamie, mariage forcé d'adolescentes...).

Du fait de cette ambiguïté sur le sens donné au mariage, le « regroupement familial » est devenu le prétexte à une immigration clandestine déguisée, de loin la plus importante et la plus pernicieuse car les femmes concernées et leurs enfants sont voués à la relégation dans des logements sociaux avec peu d'espoir d'assimiler un jour les valeurs et le mode de vie du pays d'accueil.

Le magazine Pèlerin du 17 mai 2012 a consacré un reportage émouvant à l'une de ces victimes du regroupement familial, Fatoumata, livrée à 17 ans à un homme de vingt ans plus âgé déjà bigame et arrachée à son milieu pour finir à La Courneuve sans amies ni relations (*).

L'assimilation de ces familles est d'autant plus utopique que la majorité des enfants reviennent dans le pays d'origine de leurs parents pour y prendre un conjoint. 98% des jeunes Turcs de France seraient dans ce cas ainsi que la majorité des Sahélien(ne)s. Chaque nouvelle génération effectue ainsi un retour à la case départ, vidant de son sens le concept de « deuxième ou troisième génération ». Avec pour conséquence l'émergence de sociétés séparées et d'une ségrégation de fait.

« Les étrangers qui venaient autrefois s’appliquaient à nous ressembler, ils semblent se poser aujourd’hui dans leur altérité. À notre grande surprise, les migrants ne nous voient pas comme la pointe avancée de la mode et de la morale, mais plutôt, au regard de leurs traditions, comme une enclave étrange et déviante. Ceux qui viennent d’au-delà des mers ne sont pas nés sous le signe de notre universalisme », note le sociologue Hughes Lagrange (Le déni des cultures, 2010).

 

Fractures nationales


En ce début du XXIe siècle, l'immigration extra-européenne aboutit en France et dans d'autres pays ouest-européens à la constitution de sociétés séparées dont seules profitent (à court terme) les classes moyennes hautes et supérieures...

L'Europe change. Dans l'Hexagone même, le mythe irénique d'une «  France black-blanc-beur  » a fait long feu. Les nouveaux immigrants se regroupent par affinités ethniques et religieuses. Ils se constituent en communautés distinctes et rendent plus difficile l'intégration de leurs prédécesseurs comme le constate Jean Daniel, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur (*).

Sociétés séparées

 

La ségrégation s'installe. Certaines banlieues françaises (La Courneuve, Sarcelles, Le Mirail...) sont presque exclusivement peuplées de personnes venues d'au-delà des océans et des mers, essentiellement d'Afrique noire et d'Afrique du Nord. Ces cités qui faisaient autrefois la fierté de nos grands architectes (Le Corbusier, Aillaud, Candilis...) sont les ghettos et les bantoustans en devenir d'un apartheid qui ne dit pas son nom. Il y a aussi des ghettos blancs et bourgeois (Neuilly, Auteuil, Passy, Versailles...), avec familles nombreuses, beaux enfants blonds, écoles religieuses etc.

Sur le territoire français, plusieurs sociétés cohabitent désormais sans se voir. Il suffit pour s'en rendre compte de se promener un samedi soir à Saint-Germain-des-Prés et de prendre le lendemain un train de banlieue sur les lignes Gare du Nord-Creil ou Austerlitz-Corbeil. D'un côté la France de Maurice Chevalier, de l'autre le Bronx.

On peut lire dans Le Monde du 12 novembre 2005 le témoignage de Christine C., 47 ans, cinq enfants, vingt-huit ans de Courneuve : «  Maintenant, je me sens carrément isolée, je suis une toute petite minorité. C'est difficile de devenir une minorité chez soi, vous savez (...). Ce qui est nouveau, c'est que les Français d'origine étrangère se replient sur leur origine, ne se sentent plus français. Et moi, Française, je me sens mal (...) Même mes fils sont d'une autre culture que moi. Pour eux, être français, ça ne veut rien dire. Ils n'ont plus de nationalité, ils s'identifient de manière vague à une religion, celle qui est majoritaire. Ils observent les gestes de l'islam, une façon musulmane d'être et de parler, ils sont fiers d'appartenir à la majorité. Ils ne veulent pas être français, ils ne veulent pas s'intégrer dans la société, ils voudraient être blacks et beurs comme tout le monde, mais ils ne se comportent pas comme des musulmans. Tant de choses incohérentes.  »

Ces propos témoignent d'une intégration à l'envers dans les cités ghettos. En sont victimes les familles désireuses de respectabilité mais dépourvues de ressources suffisantes pour s'établir ailleurs. Le résultat, c'est une «  France black-blanc-beur  » qui prend le visage sordide du «  gang des barbares  » (un groupe de jeunes de toutes origines entraîné par un Franco-Ivoirien dans l'enlèvement et le meurtre d'un jeune d'origine israélite en février 2006).

Le phénomène progresse si l'on en croit un rapport des Renseignements Généraux sur le phénomène des bandes en France : «  On assiste à un retour sensible du phénomène de bandes ethniques composées en majorité d'individus d'origine subsaharienne, arborant une appellation, des codes ou signes vestimentaires inspirés des groupes noirs américains  », peut-on lire. «  Ces formations délinquantes constituées en majorité d'individus originaires d'Afrique noire ont la particularité d'instaurer une violence tribale ne donnant lieu à aucune concession  », avec un «  rejet violent et total des institutions  » et un «  total détachement quant à la gravité de l'acte commis  » (Le Monde, 6 septembre 2007, page 3).

Sous-culture

 

Faut-il rappeler la définition de la Nation par Ernest Renan : ni communauté de sang, de langue ou de religion mais adhésion à «  deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis ».

Craignons de nous en éloigner. Julien Dray, l'un des fondateurs de SOS Racisme, avait déjà pressenti en 1999 le risque d'éclatement de la communauté nationale : « Avec la fin de la mixité sociale s'est mise en place la fin de la mixité ethnique. L'arrivée de l'immigration africaine a rajouté les blacks aux beurs. Le piège était refermé. Le processus d'intégration par le brassage des populations s'est brutalement interrompu... Beaucoup de jeunes impliqués dans des violences urbaines sont des blacks et des beurs. Réalité qu'enveloppe avec une fausse pudeur la périphrase jeunes de banlieue... » 

À Villiers-le-Bel (Val d'Oise), l'un des « territoires perdus de la République », Assia, Béninoise, corrobore les propos du leader socialiste : « Y en a marre ! Dans le RER D, il n'y a que des Arabes et des Noirs. Où sont les vrais Français ? Pourquoi ils ne viennent pas vivre ici, vivre avec nous ? Il faut du mélange ! » (Le Monde, 6 décembre 2007).

Les violences sont la conséquence de cette dérive. Voir le récit des affrontements entre loubards africains et lycéens blancs dans Le Monde du 12 mars 2005 et les violences à répétition dans les collèges et lycées des quartiers « sensibles ».

Ces violences sont attisées par l'attitude de la classe dominante, blanche, bourgeoise et bien-pensante. Celle-ci dénigre sa propre Histoire et jette Napoléon, Corneille et La Fontaine dans les poubelles de l'Histoire. Elle prive les nouveaux-venus d'un modèle dont ils pourraient tirer fierté et «  victimise  » d'autre part les pauvres diables en peine de s'insérer dans le pays où ils ont cherché refuge.

Tartufferies

 

L'assimilation est en panne et même régresse. Mais plutôt que d'aborder avec lucidité et courage les questions migratoires, les élites politiques, droite et gauche réunies, préfèrent expliquer le repli communautaire et les violences par des raisons sociales ou urbanistiques, par des discriminations dans le travail ou même par l'oppression qu'auraient subie autrefois les esclaves et les indigènes des colonies.

Ces explications ne suffisent pas et même aggravent le mal qu'elles prétendent expliquer en décourageant certains immigrants et en leur offrant une excuse facile pour ne pas se prendre en charge !

Ainsi, on observe que la minorité turque est l'une des plus rétives à l'assimilation (très forte endogamie et très mauvais résultats scolaires selon une enquête parue dans Le Monde à l'été 2005). Pourtant, la Turquie n'a jamais été colonisée et ses élites se veulent européennes !

A contrario, les immigrants d'origine indochinoise ont subi plus que quiconque l'oppression coloniale et connu l'extrême misère mais ils se sont intégrés à la société française en surmontant sans mot dire leurs difficultés. Même constat pour les immigrants venus il y a un siècle de Russie ou d'Arménie. Ceux-là ont connu à leur arrivée une xénophobie et une misère autrement plus violentes qu'aujourd'hui. Ils n'ont bénéficié du soutien d'aucune association caritative. Il n'empêche que leurs enfants se sont pleinement assimilés à la nation... Même constat également pour les personnes venues d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne qui ont su rejeter le discours « victimaire » des bonnes âmes et se prendre en charge.

La faute au «  manque d'emplois  » ?

Il est tentant de croire et laisser croire que le mal-être urbain peut se résoudre en «  offrant  » des emplois. C'est oublier que l'exercice d'un travail salarié exige concentration, discipline, volonté, estime de soi, envie de se surpasser... sans compter le respect de codes sociaux et relationnels, toutes choses qui ne vont pas de soi mais s'acquièrent par l'éducation familiale et l'effort personnel.

Ces acquis font particulièrement défaut dans les familles traditionnelles issues par exemple du Sahel ou d'Anatolie, ainsi que le montre le sociologue Hugues Lagrange (Le déni des cultures, 2010). De là les taux de chômage massifs que connaissent certaines banlieues. De là aussi le manque d'appétence de leurs habitants pour la culture nationale, sa littérature et son patrimoine.

Trahison des élites

 

La fracture nationale fait au moins l'affaire des classes supérieures qui tirent parti de leurs atouts (éducation, héritage) pour renforcer leur position sociale comme le démontre le chercheur Éric Maurin (*) et mieux encore le géographe Christophe Guilluy .

Dans les « ghettos blancs » du VIIe arrondissement, de Neuilly, de Saint-Germain-en-Laye ou Chevreuse... les privilégiés considèrent avec détachement les troubles qui agitent le reste du pays. Qu'ont-ils à craindre ? De l'École Alsacienne au lycée Henri IV, leurs enfants bénéficient d'un parcours fléché qui leur garantit de conserver leur statut social et les préserve de tout mélange. Les revenus de ces classes supérieures progressent tant et plus tandis que les classes moyennes voient les leurs stagner ou régresser sous le fardeau d'un État boulimique et impotent.

Enfin, beaucoup de ces privilégiés se considèrent d'ores et déjà étrangers à la communauté nationale ; avec une bonne conscience désarmante, ils se présentent comme « citoyens du monde », anglophones de préférence, et envisagent sans état d'âme leur repli futur qui en Suisse, qui à New York ou à Bruxelles, dans un îlot pour riches Blancs.

À l'autre extrémité de l'échelle sociale, les enfants des classes populaires et moyennes basses, quelle que soit leur origine (français « de souche » ou immigrés), n'ont plus guère l'espoir d'accéder un jour aux premières places de la fonction publique et des grandes entreprises, malgré quelques opérations médiatiques comme celle du regretté Richard Descoings qui a ouvert Sciences Po à une poignée d'enfants des banlieues. Depuis un quart de siècle, l'ascenseur social est en panne et les clivages culturels, religieux et linguistiques qui se mettent en place rendent plus minces encore leurs chances de promotion.

 

Illusions fatales

 

L'immigration comme remède à la baisse de la fécondité conduit la France et ses voisins à une impasse menaçante pour la stabilité du continent. Une autre démarche s'impose, plus courageuse et progressiste...

 

Europe et immigration (dessin de Plantu dans Le Monde, 8 novembre 2003) Ce dessin de Plantu (Le Monde, 8 novembre 2003) exprime le rêve de la bourgeoisie européenne : dépouiller le tiers monde de ses trop rares « cerveaux » pour maintenir à bon compte son propre niveau de vie.

- Rêve immoral : en désertant leur pays, les travailleurs qualifiés et les diplômés contribuent à l'enfoncer dans la misère (*).

Ce phénomène est perceptible dans la dégradation accélérée des systèmes de santé en Afrique, ainsi que le notait Nelson Mandela lui-même (*). Et ce n'est pas le dévouement de quelques « french doctors » qui peut compenser le départ massif des infirmières et des médecins du tiers monde.

- Rêve illusoire : de fait, la majorité des immigrants qui affluent aujourd'hui en Europe, par-dessus la Méditerranée ou le Bosphore, n'ont pas de qualification professionnelle. Ils sont exclus des emplois légaux et grossissent l'économie souterraine (travail au noir, réseaux esclavagistes...), à moins qu'ils ne se cantonnent dans des emplois précaires (vigiles, nurses, aides-ménagères...).

Quant aux diplômés qui quittent leur pays, ils choisissent unanimement les États-Unis et le Canada, assurés de pouvoir y travailler et développer leurs talents dans d'excellentes conditions et sans restrictions administratives (la moitié des 180.000 immigrants qu'a reçus le Canada en 2005 avaient un niveau d'études supérieures).

Le chancelier Gerhard Schröder a tenté en 2000 de faire venir en Allemagne 20.000 informaticiens indiens (« Vieux peuple riche, qui n'aime pas plus les enfants que son passé, cherche désespérément jeunes diplômés déjà éduqués pour pourvoir à sa retraite », semblait-il annoncer). Sa tentative a fait long feu et n'a freiné en rien les entrées illégales.

« Immigration choisie » et chômage de masse

 

Au nom de l'« immigration choisie », le président Nicolas Sarkozy a ouvert en janvier 2008 les frontières aux travailleurs étrangers, régularisé les travailleurs clandestins et amnistié leurs employeurs.

Il suivait ce faisant les recommandations de Jacques Attali, l'ancien « électron libre » de François Mitterrand, qui préconisait de porter à 500.000 le nombre d'immigrants annuels (L'Express, 24 août 2006) en vertu d'une croyance bien enracinée dans les cercles du pouvoir selon laquelle « l'immigration est indispensable pour financer les futures retraites »

Qu'en penser ? Des démographes mandatés par l'ONU ont publié en 2000 un rapport où ils ont démontré par l'absurde que l'immigration n'est en rien une solution au problème du vieillissement et des retraites. Ainsi la Corée (50 millions d'habitants) aurait-elle besoin de plusieurs centaines de millions d'immigrants d'ici 2100 pour combler les postes vacants dans les entreprises, en l'absence de tout changement d'envergure (âge de départ à la retraite, natalité) et à supposer qu'elle trouve dans le tiers monde les compétences indispensables aux besoins d'une économie moderne.

Dans les faits, plus prosaïquement, l'« immigration choisie » comble les voeux de nombreux patrons désireux d'obtenir rapidement et à moindres frais une main-d'oeuvre pas trop exigeante. Mais elle se heurte à l'intérêt général en dissuadant les employeurs et les laissés-pour-compte des banlieues de faire les uns et les autres des efforts pour se rapprocher. Il est antinomique de faire venir de l'étranger des laveurs de carreaux, des infirmières ou des bûcherons et de prétendre résorber le chômage massif chez les jeunes Français issus des précédentes vagues de travailleurs immigrés.

Fatalité ? Non, facilité !

Avons-nous tant besoin que cela d'une main-d’œuvre étrangère, qualifiée ou non ? Cette question appelle quelques remarques :

- Plutôt que de dépouiller le tiers monde de ses trop rares scientifiques, les dirigeants européens devraient d'abord éviter que leurs propres scientifiques fuient au Canada ou aux États-Unis.
- Les patrons de la restauration jurent leurs grands dieux qu’ils ne trouvent personne à qui confier leur plonge ou même leur cuisine en-dehors d’immigrants illégaux. Comment est-il alors possible que McDonald’s puisse recruter des jeunes dans les banlieues ou les milieux estudiantins pour des travaux similaires ?
- Les petits et grands patrons du bâtiment expliquent de la même façon qu’ils ne trouvent personne pour les emplois de manœuvres ou même de maçons et doivent recourir à des travailleurs africains. Mais comment se peut-il que les centres de tri d’ordures ménagères arrivent à recruter du personnel dans les milieux populaires pour des travaux autrement plus pénibles ?...
- Les sociétés de gardiennage et même les musées recourent désormais de façon presque systématique à des immigrants africains pour les fonctions de vigiles... mais les entreprises de logistique trouvent à employer des jeunes Français dans des tâches autrement plus éprouvantes...

Ces incohérences donnent à penser que les employeurs ne sont pas victimes d’une quelconque fatalité mais succombent seulement à la facilité, au détriment de l’intérêt national (et des pays d’émigration).

Improbable sursaut

On voit mal comment les sociétés européennes pourraient demeurer stables sans une politique à l'opposé de la résignation actuelle :

1 - Imposer une stricte limitation du regroupement familial et de l'acquisition du droit de séjour et de la citoyenneté, en accordant seulement cette dernière aux personnes installées depuis plusieurs années et pleinement assimilées par la langue, le revenu et le travail.

- Le droit d'asile doit revenir aux seules personnes menacées en tant que telles, du fait de leur religion, de leur race ou de leur implication personnelle en faveur de la liberté.

- Le mariage peut déboucher sur la citoyenneté sous réserve que le conjoint étranger soit convenablement assimilé par la langue, le revenu et le travail.

2 - En contrepartie des restrictions ci-dessus, accorder de généreuses facilités pour l'obtention d'un contrat de travail par les étrangers (comme avant 1974) : les responsables européens seraient bien avisés d'abolir les barrières et les chausse-trapes administratives qui entravent l'entrée de travailleurs étrangers depuis 1974 et de les remplacer, pourquoi pas ? par des visas payants sans limitation de nombre, valables trois mois (quelques centaines d'euros, soit nettement moins cher - et moins risqués - qu'une entrée illégale via la Libye).

- Les détenteurs de ces visas qui trouveraient un travail régulier bénéficieraient d'une prolongation à durée indéterminée de leur visa (cinq ou dix ans) et pourraient demander qui plus est le bénéfice des allocations familiales pour leurs enfants restés au pays. En regagnant eux-mêmes leur pays au terme de leur vie de travail, ils contribueraient au développement de celui-ci avec leurs économies, le savoir-faire acquis en Europe et éventuellement leur pension de retraite.

- En même temps, les employeurs auraient l'obligation d'octroyer des congés bonifiés complémentaires à leurs salariés étrangers, afin qu'ils maintiennent des liens avec leur famille sans avoir besoin de l'enlever à son milieu.

- Afin de décourager les embauches non déclarées, les employeurs pris en flagrant délit seraient tenus d'indemniser leurs salariés depuis leur entrée sur le territoire national et, pourquoi pas ? de verser aussi une prime du même montant à leur dénonciateur !

Par ces différentes mesures, les employeurs ne recouraient à des travailleurs étrangers qu'en cas de vraie nécessité.

3 - Promouvoir l'insertion des enfants issus de l'immigration récente grâce à la valorisation de l'étude, du travail et de l'effort personnel, conditions incontournables de la promotion sociale, l'obtention d'un vrai savoir-faire professionnel en adéquation avec les besoins des entreprises, le rejet de tout discours « victimaire » et l'adhésion à l'Histoire de la France, de Vercingétorix à de Gaulle en passant par Jeanne d'Arc et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

« C’est en faisant aimer la France que nous pourrons poursuivre la tâche multiséculaire de l’intégration de nouveaux citoyens à notre nation » rappelle Jean-Pierre Chevènement. Et aussi : « Sommes-nous encore sûrs de nos valeurs pour accueillir de nouveaux migrants et leur donner envie de devenir français ? Pour y parvenir, la France doit d’abord réapprendre à s’aimer elle-même pour agréger de nouveaux citoyens. Le récit national a été brisé. Il faut le reconstruire sur des bases objectives »(*).

- Pourquoi ne pas généraliser dans les écoles les études surveillées jusqu'en fin de soirée, pour dissuader les enfants de traîner dans les rues, selon une suggestion de feu Françoise Dolto ?

- Par ailleurs, un service civique obligatoire et universel pourrait favoriser les échanges solidaires entre jeunes Français(es) de milieux différents ; les plus favorisé(e)s instruisant les autres (alphabétisation, instruction civique, tenue d'un ménage, apprentissage de la conduite automobile, formation professionnelle...).

4 - Engager une politique familiale aussi résolue qu'à la Libération (1945), avec la possibilité pour les femmes de concilier maternité et emploi sans perte de revenu ni surcharge de travail (cela concerne moins la France que ses voisins européens).

Immigration ou pas, aucune société n'a jamais survécu à un déficit prolongé des naissances. Les États européens, à l'image de la France, doivent donc renouveler les générations et, pour cela, faire en sorte que ni les couples, ni les employeurs ne perçoivent une maternité comme une charge. On peut concevoir par exemple une indemnité conséquente de l'État à tout employeur dont une salariée partirait en congé de maternité... Son coût pour les finances publiques serait mineur par rapport aux avantages sur le long terme.

Mais, dans une Europe à bout de souffle et d'inspiration, plus les années passent et plus devient difficile l'arbitrage entre une politique sociale dictée par l'urgence et un investissement en faveur de la jeunesse dont on ne verrait les fruits qu'au terme d'une à deux décennies.

L'Histoire s'écrit dans les berceaux. En brisant la chaîne des générations, les Européens se préparent des lendemains difficiles... À moins d'un sursaut miraculeux comme il s'en est déjà produit dans le passé.

Alban Dignat
 
Source : Hérodote


15/09/2015
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