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LES MANOEUVRIERS

     

 

 

 

 

 

    

 

Pratiquement situés au bas de l’échelle sociale (juste un peu au-dessus des vagabonds et des errants), les manouvriers constituent néanmoins un élément important de la diversité sociale du monde rural. En quoi consiste cette profession si fréquemment répandue dans les registres paroissiaux de l’Ancien régime ?

 

 

Les manouvriers, manœuvres, brassiers ou journaliers sont des paysans qui travaillent de leurs mains, avec des outils rudimentaires en bois, parfois relevés de fer (bêche, fourche, faucille, rarement une faux). Ils se distinguent surtout par le fait qu’ils ne possèdent pas de bêtes de labour, de trait, de somme, ou même de bât et n’ont jamais de cheval (trop cher !).

 

 

Même si quelques-uns sont propriétaires de leur domicile, la plupart vivent dans une maison modeste qu’ils louent à plus riche qu’eux. Celle-ci se compose généralement de quelques pièces (rarement plus de deux), d’une cour, de quelques petits bâtiments, d’un grenier pour entreposer le grain et d’un petit jardin. Elle est souvent dépourvue d’une grange et d’une écurie.

 

 

A ce bâtiment principal, s’ajoutent quelques lopins de terre où ils cultivent des poix et des fèves pour la bouillie (nourriture de base), des choux, des raves, des poireaux, des blettes, quelques fruits, parfois des ceps et du chanvre. S’ils trouvent à emprunter un attelage, ils pourront labourer leurs terres et cultiver les « céréales du pauvre » : seigle et méteil pour la confection du pain.

 

 

Leur cheptel vif se compose de quelques brebis ou chèvres qui broutent sur les chemins, les friches et les jachères. Les agneaux seront vendus au marché du bourg le plus proche. Ils possèdent également quelques cochons noirs (notamment en moyenne montagne et dans les paysages de bocage), quelques poules, un coq, parfois une vache.

 

 

Mais ces quelques biens ne suffisent pas à assurer la subsistance de leur famille. Souvent, les manouvriers sont obligés de contracter avec un riche citadin un bail à cheptel pour avoir quelques surplus de provisions (lait, beurre, fromage...). Plus généralement, et c’est là leur spécificité, ils vont louer, à la journée, leurs bras, leur force de travail, auprès d’un exploitant agricole plus riche qu’eux.

 

 

Ainsi, lorsqu’une main-d’œuvre supplémentaire est nécessaire, c’est-à-dire de mai à octobre au moment des fenaisons, moissons ou vendanges, ils deviennent salariés agricoles occasionnels ou domestiques de fermes. Ils effectuent alors un travail pénible, de l’aube au crépuscule, pour un maigre salaire : parfois un peu d’argent (5 à 10 sous par jour), souvent un petit pourcentage sur leur travail, et plus souvent encore une réduction de leurs dettes.

 

 

Toutefois, ces activités et salaires saisonniers dépendent encore trop de la conjoncture (crises économiques ou politiques, aléas climatiques, mauvaises récoltes...) pour offrir des garanties suffisantes aux manouvriers. Aussi, en dehors des périodes d’embauche, ils ont régulièrement recours à des activités annexes : braconnage, travail de la laine ou du chanvre à la veillée sur de petits métiers à tisser, confection de toiles « en cru » (écrues), tailles des haies, travail du métal (fabrication de clous ou d’aiguilles), ramassage du crottin (les déjections servent d’engrais), épandage du fumier, destruction des taupinières, curage des fossés et des rivières, confection de toits de chaume, maçonnerie, travail du bois, liage des gerbes de blé, échardonnage des blés, parfois ils deviennent palefreniers, bûcherons ou charbonniers dans les forêts.

 

 

Malgré ces diverses activités, les manouvriers subsistent avec peine et ne sont jamais à l’abri de difficultés majeures : une maladie, un accident de travail, un décès peuvent jeter dans la misère toute une famille car les provisions sont peu importantes. Par nécessité, la mort de l’un des conjoints est presque toujours suivie d’un remariage rapide (cf. les registres paroissiaux). La perte des animaux est également une catastrophe car les revenus de la famille ne permettent pas de renouveler le cheptel. De même, de mauvaises conditions météorologiques peuvent causer la famine, une hausse des prix de la farine ou du pain, et aggraver l’endettement des manouvriers.

 

 

De plus, les manouvriers sont également redevables d’impôts (taille, gabelle). Selon Pierre Goubert, « ils paient, en moyenne, 10 livres d’impôts (cf. les rôles d’imposition), soit, à eux tous, une vingtaine de millions, c’est-à-dire entre le quart et le cinquième du budget de la France entre 1661 et 1670 ».

 

 

Enfin, il est très difficile de sortir de la condition de manouvrier. Aucune promotion par l’instruction n’est possible puisqu’ils sont presque tous analphabètes. De même, les activités annexes ne leur permettent guère d’améliorer leur situation sociale. Ils peuvent éventuellement espérer faire un heureux mariage avec une veuve de laboureur, ou encore envisager un départ pour la ville la plus proche où ils seront peut-être domestiques.

 

D’ailleurs, au XVIII° siècle, avec l’essor démographique, ils sont de plus en plus nombreux et trouvent difficilement du travail à la bonne saison. Leur condition se dégrade, d’autant plus que les propriétaires, pour améliorer leur production, n’hésitent pas à supprimer les droits collectifs (vaine pâture, communal, usages en forêt...). Lentement, les manouvriers glissent dans la pauvreté...

 

Bibliographie :

 

- Georges Duby et coll : Histoire de la France rurale, t. 2, Paris, Éditions du Seuil, 1975.
- Pierre Goubert : Les paysans français au XVII° siècle, Paris, Hachette, 1982.
- Emmanuel Le Roy Ladurie : Les paysans du Languedoc, Paris, Flammarion, 1967.

 

 



10/08/2017
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