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ISRAEL ET SES VOISINS - LE "GRAND JEU " MOYEN ORIENTAL - HERODOTE

11 octobre 2023 : il y a un peu plus de cinquante ans, un attentat frappait les Jeux Olympiques de Munich et portait sur le devant de la scène internationale la question palestinienne. Depuis lors, Israël et ses voisins sunnites ont tenté de l'occulter et fait passer au premier plan les enjeux géopolitiques et en particulier la lutte contre l’expansionnisme iranien.

 

Mais à la surprise générale, le 7 octobre 2023, à Gaza, le Hamas s'est rappelé au souvenir des comparses de la façon la plus brutale qui soit ; ce mouvement terroriste pro-iranien a ramené les Palestiniens au coeur du « Grand Jeu » moyen-oriental...

 

Tôt ce samedi matin 7 octobre, à Tel Aviv, où nous passions shabbat, j’ai été réveillé par les sirènes, suivies deux minutes plus tard par les explosions du système anti-missiles « Dôme de fer ».

 

Cinquante ans et un jour après l’attaque surprise de la guerre de Kippour, le peuple israélien était à nouveau stupéfait par une attaque. Mais l’histoire ne se répète jamais, elle bégaie.

 

En 1973, nous eûmes affaire à une guerre conventionnelle qui opposait trois armées. Aujourd’hui, il s’agit d’une lutte contre une organisation terroriste, le Hamas, un groupe fondamentaliste musulman issu des Frères musulmans, qui tient en otage les deux millions d’habitants de la bande de Gaza depuis quinze ans.

 

 

Chacun a pu constater la cruauté de ces extrémistes qui ont notamment massacré dans la nuit de vendredi à samedi 250 jeunes qui participaient à une rave-party, sur le modèle que ce qui s’était passé au Bataclan à Paris, en 2015.

 

Il est bien évidemment trop tôt pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette tragédie mais il importe de la replacer dans le contexte politique et diplomatique de ces dernières années pour en saisir la logique effroyable.

 

La raison d’État avant l’idéologie

Tout commence avec l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 qui a rebattu les cartes au Moyen-Orient tout en déstabilisant les États issus de la Première Guerre mondiale. 

 

La République islamique d'Iran a ainsi placé sous sa protection les chiites d'Irak et du Liban.

 

Profitant aussi des désordres nés du « printemps arabe » de 2011, elle a soulevé les chiites de Bahrein et attisé la rebellion houtiste (chiite) au Yémen.

 

En Syrie, l'Iran est intervenu ainsi que la Russie de Vladimir Poutine en soutien de Bachar el-Assad.

 

 

Il s'en est suivi à partir de 2015 un « Grand Jeu » moyen-oriental qui a rebattu les cartes d'incroyable façon jusqu'à faire passer à la trappe la question palestinienne. 

 

Israël s'est trouvé dépendre du bon vouloir des avions et des radars de la base russe de Lattaquié (Syrie), pour effectuer des bombardements en Syrie et ainsi stopper l’expansion militaire de l’Iran et de son bras armé, le Hezbollah chiite libanais, vers les frontières nord d’Israël.

 

Les ambiguïtés de cette politique sont apparues crûment lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 : on a ainsi vu l’Iran livrer des drones à la Russie tandis que les Russes fermaient les yeux sur les attaques israéliennes contre les factions pro-iraniennes du Liban et de Syrie !

 

 

Dans le même temps, l'Arabie séoudite s'est vue menacée par l'intervention de l'Iran au Yémen.

 

Il s'ensuit que les États sunnites en sont venus à dialoguer avec l'État hébreu, hier encore honni et combattu. En mars 2022, le sommet du Néguev, à Sde Boker, le kibboutz de David Ben Gourion, a réuni les ministres des Affaires étrangères d’Israël, des États-Unis, d’Égypte, des Émirats Arabes Unis, de Bahreïn et du Maroc.

 

Le seul fait de rassembler tous ces ministres était déjà une première performance ; la seconde fut d’exclure le conflit israélo-palestinien de l’ordre du jour, le réduisant ce faisant à une affaire intérieure israélienne !

 

 

Signature des accords d'Abraham en 2020. De gauche à droite : Ministre des Affaires étrangères de Bahreïn Abdullatif bin Rashid Al-Zayani, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le Président américain Donald Trump, le Ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis Abdullah bin Zayed Al-Nahyan. Agrandissement : les ministres des Affaires étrangères au sommet du Néguev en Israël en 2022. De gauche à droite : Abdullatif bin Rashid Al Zayani (Bahreïn), Sameh Shoukry (Égypte), Yair Lapid (Israël), Antony Blinken (États-Unis), Nasser Bourita (Maroc), et Abdullah bin Zayed Al Nahyan (Émirats arabes unis).

 

Prolongeant les « accords d’Abraham » lancés par le président Trump et le Premier ministre Netanyahou en 2020, le sommet du Néguev a permis de sortir Israël de son isolement régional, surtout si on ajoute la Jordanie, avec laquelle la paix a été signée en 1995, et le Soudan qui a signé en 2021 un traité avec Israël. Le Tchad, qui avait rétabli ses relations diplomatiques avec Jérusalem dès 2019, a inauguré son ambassade en Israël en 2023.

 

 

La proximité inédite d’Israël avec le bloc sunnite s'est trouvée renforcée par la nouvelle lune de miel avec la Turquie, après plus de dix ans d’un froid glacial soufflant entre les deux pays.

 

Après avoir été depuis 2010 l’un des plus chauds défendeurs de la cause palestinienne, le président Erdogan a amorcé un rapprochement dès 2021 pour aboutir à un rétablissement complet des relations diplomatiques conclu le 27 août 2022. C’est essentiellement le chef de l’État turc qui a pris l’initiative, à la fois pour se donner un aspect moins agressif au niveau international, mais également pour des raisons intérieures, tant économiques qu’électorales.

 

 

Ce rapprochement a pris un tour inattendu dans la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan en 2020. Le dictateur azerbaïdjanais Aliev a pu alors bénéficier du soutien actif de son homologue turc mais aussi de l'aide active d'Israël qui l'a alimenté en équipements militaires sophistiqués, cependant que l'Arménie, coincée entre deux grands États turcophones, n'avait d'autre choix que l'alliance avec l'Iran voisin.

 

 

Enfin, dans le domaine des relations entre Israël et la région arabo-musulmane au milieu de laquelle l’État hébreu se trouve placé, il faut souligner une première avancée vers le Liban, avec la signature en octobre 2022 de l’accord sur les frontières maritimes et l’exploitation des champs gaziers sous-marins.

 

Cet accord était le résultat tant de pressions américaines exercée sur une longue durée sur les deux parties que le témoignage de l’affaiblissement du Hezbollah chiite, notamment après l’explosion du port de Beyrouth en août 2020.

Tous unis face à la République islamique

Si les pays musulmans continuent d’affirmer leur soutien à la cause palestinienne dans les organisations internationales, Israël ne paraissait plus être tabou et les avantages que ces pays retiraient de cette « mauvaise fréquentation » l’emportaient largement sur le risque d’être vu comme trahissant la « cause arabe ».

 

 

Le rapprochement inédit entre Israël et une partie du monde arabe sunnite et nord-africain, outre ses aspects militaires, commerciaux et économiques non négligeables, confirme un spectaculaire « renversement des alliances » pour qui se souvient du soutien actif apporté par Israël à l’Iran pendant la guerre Irak-Iran, dans les années 1980.

 

 

Il est vrai qu’à l’époque, l’État hébreu se sentait plus directement menacé par ses voisins immédiats. Aujourd'hui, il s'inquiète plus que tout de ce que le régime des ayatollahs profite de ce que les Occidentaux étaient accaparés par la guerre d’Ukraine pour accélérer sa course à l’arme nucléaire.

 

Il existe en Israël un large consensus pour empêcher par tous les moyens la République islamique de l’acquérir. Washington, allié incontournable de Jérusalem, commence aussi à envisager une solution militaire.

 

 

En Israël et au Moyen-Orient, la raison d’État et l'intérêt supérieur de la nation ont donc paru l'emporter sur l’idéologie, en dépit de la recrudescence des attentats terroristes palestiniens en 2022 et du retour au pouvoir de l’inusable Benjamin Netanyahou (73 ans), déjà Premier ministre en 1996-1999 et 2009-2021, à la tête de la coalition la plus à droite qui aie jamais gouverné l’État d’Israël.

 

 

Ses projets de transformation du système judiciaire ont plus que jamais divisé l'opinion israélienne. Mais cela, c'était avant que le Hamas pro-iranien ne lance les attaques terroristes du 7 octobre 2023. Qu'adviendra-t-il dans ces conditions du « Grand Jeu » israélo-arabo-iranien ? Il est bien trop tôt pour le dire. 

 

 

L’historien-témoin que je suis peut cependant suggérer quelques pistes de réflexion qui demanderont à être approfondies plus tard :


• Comment expliquer cette impuissance de l’armée israélienne tant au niveau des renseignements préventifs que dans les premières heures de l’attaque ?


• Pourquoi une partie des dirigeants israéliens, et Benjamin Netanyahou en tête, ont-ils renforcé économiquement et politiquement le Hamas tout en affaiblissant systématiquement l’autorité palestinienne de Mahmoud Abbas ?


• Pourquoi le gouvernement israélien actuel a-t-il renforcé la présence militaire en Judée-Samarie, tout en dégarnissant les forces qui surveillaient la frontière de Gaza ?


• Comment comprendre les rapports entre les organisations fondamentalistes musulmanes insensibles aux droits de l’homme les plus élémentaires, et les principes religieux de l’islam dit « modéré ».


• Enfin l’État d’Israël peut-il détruire le pouvoir du Hamas à Gaza sans que cela entraîne une crise humanitaire terrible pour les habitants civils.

 

Reste que le comportement sanglant et abject des terroristes du Hamas samedi dernier ne peut avoir comme résultat que la volonté israélienne d’éradiquer totalement cette organisation. Les semaines qui viennent nous diront si cela est encore possible.

 

 

Dr Alain Michel, historien, Jérusalem
Publié ou mis à jour le : 2023-10-11 07:31:15


07/11/2023
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