Bienvenue dans mon Univers

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AINSI PARLERENT LES HIEROGLYPHES

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” Traite-moi de fou. (…) Cela ne m’empêchera pas d’étudier mon Antiquité par les langues et les rapports d’un peuple à un autre, d’aimer les étymologies ! ”

Lettre de Jean-François Champollion dit le Jeune à son frère, le 10 Octobre 1808

 

 

Depuis deux siècles, nous sommes en capacité de lire les hiéroglyphes grâce au travail impressionnant d’un jeune scientifique surdoué. Un érudit qui cumula le savoir de son temps et sa passion pour les langues étrangères et leurs cultures.

 

Dans la multiplication des connaissances linguistiques réunies depuis son adolescence et dans l’acharnement d’une recherche méticuleuse du secret des hiéroglyphes, Champollion se penche sur la pierre de Rosette.

 

Elle contient un décret du IIe siècle av. J-C commémorant l’accession au trône de Ptolémée V, rédigé en deux langues et trois écritures. En haut de la pierre, un texte gravé en caractères hiéroglyphiques, un autre en caractères cursifs dans la partie médiane et, en bas, un texte en grec.

 

Au bout de longues années d’études de sources différentes, c’est cette stèle qui permettra au brillant linguiste de percer le secret des hiéroglyphes.

 

Passionné par les langues de l’Orient ancien, maitrisant, outre le grec et le latin, l’hébreu, l’arabe, le syriaque et l’araméen, Champollion (1790-1832) s’est lancé dans l’étude du copte et de l’amharique, deux langues chamito-sémitiques proches de l’Antiquité, persuadé qu’elles lui permettront de se rapprocher de la langue égyptienne.

 

Raphaël de Monachis, un moine syrien revenu d’Egypte avec l’armée de Napoléon, incite le jeune chercheur à l’apprentissage du copte.

 

Les hypothèses du Jésuite allemand, Athanase Kircher (1602-1680), qui avait établi que le copte était l’ultime aboutissement de la langue parlée des Egyptiens, semblaient le confirmer.

 

Par ailleurs, quelques prédécesseurs avaient déjà adopté cette stratégie qui consiste à atteindre une langue par une autre, sans pour autant aboutir à des résultats probants.

 

« Une tachygraphie hiéroglyphique »

 

En 1819, Jean-François Champollion rédige une étude intitulée « Mémoire sur l’écriture hiératique ». Il y répertorie et passe au crible toutes les opinions qui ont été prononcées au sujet de la cursive dite « hiératique » ou « sacerdotale ».

 

Clément d’Alexandrie (150-210) l’avait déjà distinguée du démotique – écriture du peuple (gr. demos) apparue aux alentours des années 650 av. J-C., employée tout d’abord dans les écrits de la vie courante, comme les lettres ou contrats, puis, pour les documents littéraires et religieux – mais il pensait être en présence d’un système alphabétique.

 

Or, la collection de signes que le jeune savant français avait minutieusement répertoriée et classée en fiches dépasse le nombre de 300, ce qui prouvait qu’il ne pouvait pas s’agir d’un alphabet.

 

C’est à ce moment-là qu’est surgie l’idée que la relation entre le hiératique et les hiéroglyphes devait être plus étroite qu’on ne le pensait. De l’étude comparative des textes correspondants résulte donc une découverte fondamentale pour la suite des recherches sur la langue égyptienne :

 

” L’écriture des papyrus n’est qu’une simple modification du système hiéroglyphique, inspirée par le désir d’abréger le tracé des signes, on peut l’appeler une tachygraphie hiéroglyphique”.

 

Ayant ainsi établi les correspondances entre les trois formes d’écriture égyptienne, il réussit à repérer les signes homophones. Ces équivalences vont s’avérer très précieuses pour percer le mystère de la graphie égyptienne.

 

La pierre de Rosette au British Museum de Londres

La pierre de Rosette au British Museum de Londres

 

Un début d’alphabet décelé grâce aux textes bilingues…

 

 

Grâce à son frère, Jacques-Joseph Champollion (1778-1867), grand savant et érudit lui aussi, Jean-François se procure des copies de la pierre de Rosette découverte en 1799 pendant l’expédition de Bonaparte en Egypte.

 

Tombée entre les mains des Anglais, elle a rejoint les collections du British Museum de Londres. Champollion s’aperçoit que certains noms sont entourés, inscrits dans des cartouches et suppose, à l’instar de certains de ses prédécesseurs, qu’il s’agit de noms de rois.

 

 

Tout comme le Suédois Johan Akerblad et l’Anglais Thomas Young, il reconnait la transcription démotique des noms propres grecs sur la pierre de Rosette. Il se fixe ensuite sur l’analyse du nom de Ptolémée qui y figure à la fois en démotique qu’en hiéroglyphes.

 

 

Sur un autre document bilingue, un contrat formulé en démotique et en grec de l’an 36 de Ptolémée Philométor, il retrouve la forme démotique du prénom de Cléopâtre.

 

Il l’associe à un autre texte gravé en hiéroglyphes et en grec sur l’obélisque de John William Bankes qui commémore une pétition des prêtres de Philae, une île sur le Nil, et la réponse favorable de Ptolémée Evergète et Cléopâtre II et Cléopâtre III qui ont régné en Egypte au IIe siècle avant J-C.

 

 

Cette comparaison des signes composant le nom de Cléopâtre et de Ptolémée écrits en hiéroglyphes et en caractères démotiques permet à Champollion de constituer un début d’alphabet égyptien.

 

Cartouche Ptolémée

 

 

 

Cartouche Cléopâtre

 

…et Eurêka !

 

Cependant, pour lire les hiéroglyphes, il fallait aller plus loin. Demeurait irrésolue la question des plus de 300 signes qui ne pouvaient correspondre aux lettres d’alphabet.

 

Le 14 septembre 2022, Champollion vit un état d’illumination lorsqu’il comprend que l’écriture hiéroglyphique est une combinaison hybride composée à la fois d’idéogrammes que de signes phonétiques dont une partie seulement sont alphabétiques.

 

Il complète cette découverte avec le repérage de signes déterminatifs, qui n’ont aucune valeur phonétique, mais qui fournissent une information sur le mot auquel ils se réfèrent.

 

 

Dans sa « Grammaire égyptienne », l’auteur trouve la formule qui exprime toute la subtilité de l’écriture des sujets du pharaon :

 

” C’est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans le même mot “.

 

 

Les reproductions de bas-reliefs datant de 1819, en provenance des temples d’Abou-Simbel, envoyées par son ami, l’architecte Jean-Nicolas Huyot, ouvrent à Champollion la voie vers l’aboutissement de sa découverte.

 

Voici le cartouche en question :

 

Cartouche Ramsès et Thoutmosis

 

 

Grâce à son alphabet hiéroglyphique partiel, le savant reconnut les deux derniers signes en forme de « drap replié » correspondant à des S.

 

Le premier signe du cartouche représentant un disque solaire lui rappelait l’équivalent copte qui se prononçait RA. Ainsi, il avait déjà déchiffré « RA  SS »

 

Il restait à décrypter le signe central qu’il avait déjà rencontré sur la pierre de Rosette dans une expression traduite en grec par « anniversaire »  et que « mettre au monde » se disait en copte « MICE », il l’identifia au son M, se trompant de très peu, car ce signe est en réalité bilitère et se lit MS.

 

Grâce à ce travail de déchiffrement, Champollion a réussi non seulement à lire, mais aussi à comprendre la signification du nom du pharaon RAMSS, c.à.d. « Ra l’a mis au monde ».

De la même manière, il lut ensuite un autre cartouche, celui du pharaon Thoutmosis…

 

Après de longues années de travail méthodique et scrupuleux, Jean-François Champollion, ayant à peine 31 ans, réussit à faire parler les hiéroglyphes.

 

Il s’empressa d’établir un tableau définitif de l’alphabet – vingt-quatre signes – en y ajoutant les correspondances démotique, grecque et copte ainsi que leurs homophones.

 

Pendant ce temps, son frère aîné, l’accompagnant assidûment dans ses travaux, rédigea une lettre au baron Sylvestre de Sacy (1758-1838), ancien professeur de Jean-François et président de l’Académie des Sciences.

 

Champollion la signa et présenta à l’Académie son « Mémoire sur les hiéroglyphes et sur leur emploi dans les inscriptions des monuments égyptiens pour y transcrire les noms, surnoms, et titres des princes grecs et romains », dont le texte fut publié partiellement quelque temps plus tard dans « Le Journal des Savants ».

 

 

En 1824, le « Précis du système hiéroglyphique des anciens Egyptiens » rédigé par Champollion a permis de lire la langue des scribes après quinze siècles de silence.

 

Il formule également la première grammaire de la langue égyptienne.

 

Paru deux ans plus tard avec la « Lettre à Monsieur Dacier »,  synthétisant cette extraordinaire découverte qui ouvre la voie à la compréhension d’une des plus envoûtantes civilisations de l’Antiquité, ce texte fonde la science égyptologique.

 

 

Thot, le dieu de l'écriture

Thot, le dieu de l’écriture in « Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l’ancienne Égypte » de Jean-François Champollion, illustrations de Léon-Jean-Joseph Dubois – 1823 – BnF, Bibliothèque de l’Arsenal

 

 

Pour aller plus loin :

 

Champollion. Le savant déchiffré d’Alain Faure, éd. Fayard, 2004 ;

 

Champollion. Du Dauphiné à l’Egypte d’Anne Cayol-Gerin, éd. Veurey, 2004 ;

 

Le petit Champollion illustré. Les hiéroglyphes à la portée de tous ou comment devenir scribe amateur tout en s’amusant de Christian Jacq, éd. Robert Laffont, 1994 ;

 

La Grande histoire de l’égyptologie d’Erik Hornung, éd. du Rocher, 1998 ;

 

La pierre de Rosette. Traduction de Didier Devauchelle, éd. Alternatives, 2003.

 

 
Source : www.linflux.com


03/03/2022
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