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CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE - OU VA L'HUMANITE ?

Nous recensions 1,6 milliards d'hommes en 1900 et pas moins de 6 milliards d'habitants en l'An 2000. Cette croissance très rapide s'est accompagnée d'une amélioration sans précédent des conditions de vie moyennes de l'humanité : disparition des grandes famines et augmentation de l'espérance de vie d'environ vingt ans. Mais, en dépit des apparences, l'explosion démographique est derrière nous.

On observe aujourd'hui une forte baisse de la fécondité dans presque toutes les régions du monde, à l'exception notable de l'Afrique subsaharienne, dont la fécondité ne semble pas s'essouffler. Après avoir presque quadruplé au XXe siècle, la population mondiale ne devrait plus croître que de moitié au XXIe siècle, atteignant huit milliards en 2025 et un peu plus de 9 milliards en 2050. Elle pourrait ensuite se stabiliser aux alentours de dix milliards.

Ces constatations ressortent des tableaux que vient de publier le PRB (Population Référence Bureau, Washington), l'équivalent américain de l'INED (Institut National d'Études démographiques, Paris).

 
Un monde plus contrasté que jamais

En 2015, nous sommes 7,3 milliards d'êtres humains, avec une espérance de vie moyenne de 71 ans et un revenu moyen par habitant de 15 030 dollars. Derrière ce total et ces moyennes se cachent des disparités plus phénoménales que jamais. Jamais dans l'Histoire de l'humanité, nous n'avons en effet observé d'aussi grands écarts entre les revenus, les espérances de vie et, aussi et surtout, les indices de fécondité.

 

L'espérance de vie à la naissance et la mortalité infantile (proportion d'enfants morts avant l'âge de cinq ans) sont les indicateurs les plus pertinents du bien-être collectif car ils reflètent la qualité de l'alimentation, des infrastructures publiques, de l'éducation des femmes...

 

L'espérance de vie est de 50 à 60 ans en Afrique subsaharienne (48 ans pour les hommes du Congo-RDC). Elle plafonne à 87 ans pour les Japonaises, pas loin de deux fois plus que les Congolais ! Notons que le Japon, dont les médias retiennent exclusivement les médiocres performances économiques et le haut niveau d'endettement, affiche un autre record avec une très faible mortalité infantile : seulement 2 pour 1000 naissances vivantes. 

 

Aux États-Unis, le taux de mortalité infantile s'élève à 6 pour 1000 naissances vivantes, contre... 4 à Cuba ! Notons encore que les pauvres Cubains ont une espérance de vie égale à celle des États-uniens, toutes classes confondues : 76-77 ans pour les hommes, 80-81 ans pour les femmes.

Les Français se tiennent à un niveau très honorable, bien meilleur qu'aux États-Unis malgré un système social et économique dont les médias et les dirigeants disent pis que pendre (mortalité infantile : 4 pour 1000 naissances vivantes, espérance de vie : 79 ans pour les hommes, 85 ans pour les femmes).   

La baisse, jusqu'où ?

Dans l'ensemble, et malgré les apparences, l'explosion démographique et la crainte d'un trop-plein d'hommes sont derrière nous. Faut-il nous en réjouir ? Pouvons-nous espérer que cela nous conduise vers un monde stable, baignant dans la quiétude et le bonheur ?

 

Photo extraite du film Human (Yann Arthus-Bertrand, 2015), DRNous le pourrions si la baisse de la fécondité s'arrêtait au niveau où se renouvellent les générations, avec une moyenne de 2 enfants par femme arrivant à l'âge adulte. Ce palier est indispensable sur le long terme pour éviter la disparition d'une société humaine. Or, il est d'ores et déjà enfoncé dans la plupart des pays occidentaux, en Extrême-Orient et dans certaines régions du sud de l'Inde comme le Kerala. 

 

En moins de deux décennies, l'indice de fécondité est même tombé aux alentours d'un enfant en moyenne par femme dans des régions naguère prolifiques comme la Ligurie (Italie, les Asturies (Espagne) ou Taiwan. 

 

Plusieurs pays d'Europe, le Japon ou encore Taiwan voient déjà leur population diminuer. L'immense Chine (un homme sur cinq) pourrait plafonner en 2050 à 1,4 milliards d'habitants, soit à peine plus qu'aujourd'hui, avant de perdre à son tour de la substance humaine.

 

C'est du jamais vu en temps de paix dans l'Histoire de l'humanité.

 

Entrevues par le grand démographe Alfred Sauvy, les conséquences humaines, sociales et politiques de l'hiver démographique » sont difficiles à mesurer : non-transmission des savoirs, étiolement des liens sociaux, inégalités croissantes, domination par la fraction la plus âgée et la plus conservatrice de la population, absence de perspective d'avenir, morosité et manque d'appétence pour la vie, prévalence de la rente sur le travail, préférence pour l'épargne spéculative au détriment de l'investissement productif... 

 

À quoi s'ajoutent les déséquilibres entre des pays pauvres et en expansion démographiques et des pays riches et déclinants.

 

Pourquoi fait-on ou pas des enfants ?

L'incertitude demeure sur les raisons pour lesquelles varie la fécondité d'un groupe humain. L'éducation et le statut des femmes y sont sans doute pour beaucoup.

Photo extraite du film Human (Yann Arthus-Bertrand, 2015), DRAinsi, en Inde, on observe de grandes disparités entre le Sud, où les femmes, avec un niveau de vie bas mais un taux d'alphabétisation élevé, ont un comportement proche des Européennes, et le Nord où elles ont un comportement plus proche des Orientales.

 

Des facteurs plus mystérieux, d'ordre culturel ou politique, peuvent également intervenir, y compris dans l'autre sens. Ainsi, au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, l'indice de fécondité des Françaises a connu un spectaculaire rebond et presque doublé. 

 

Aujourd'hui, au Proche-Orient (Israël et Palestine), les rivalités politiques se traduisent par une concurrence des berceaux et une fécondité atypique des Palestiniennes et des Israéliennes.

L'« hiver démographique »

L'Histoire nous instruit sur les effets d'une « déflation » démographique sans qu'il soit besoin de ressortir les poncifs sur la Grèce classique et l'empire romain, qui ont succombé aux agressions extérieures du fait de leur dénatalité, ni de remonter aux Ve et VIe siècles de notre ère, qui ont vu une décroissance de la population mondiale du fait de la dénatalité à Rome et en Chine ainsi que des invasions barbares dans ces deux empires-continents.

Photo extraite du film Human (Yann Arthus-Bertrand, 2015), DRRappelons-nous simplement que les années les plus noires de l'Histoire européenne (1914-1945) ont coïncidé avec ses années de plus faible fécondité... Et que la fabuleuse embellie politique, économique et sociale dont a bénéficié le Vieux continent de 1945 à 1973 était corrélée à une natalité exceptionnellement forte, en général proche d'une moyenne de 3 enfants par femme.

 

 

Notons enfin que l'explosion du chômage, à partir de 1973, a suivi en Europe l'effondrement de la natalité. Ce paradoxe vient d'une simple réalité : l'envie de fonder une famille et de prolonger la chaîne des générations reste pour tous les hommes la plus efficace incitation au travail, à l'investissement et au progrès social.

 

« La poussée démographique a été la clé de l'essor de l'Europe occidentale entre le 10e et le 13e siècle. À l'inverse, les périodes de repli ou d'effacement correspondent à des phases de régression démographique. Quel thème de méditation !

Quel sujet d'inquiétude ! L'Europe est aujourd'hui un monde creux entouré de mondes pleins, comme elle fut elle-même jadis un monde surabondant dominant des mondes vides. L'interrogation sur l'avenir de notre continent n'est pas séparable d'une interrogation sur sa démographie » rappelle l'historien René Rémond (*) dans un propos qui fait écho aux cris d'alarme d'Alfred Sauvy et de l'historien Pierre Chaunu.

 

Certains écologistes et le démographe Hervé Le Bras veulent néanmoins voir dans la baisse de la population un remède à la surexploitation de la planète. Mais la chose reste à démontrer car l'environnement naturel souffre davantage de notre mode de vie (étalement urbain, voiture, avion) que de la taille de nos familles. Une famille nombreuse en Afghanistan ou en Afrique gaspille beaucoup moins de ressources qu'un couple d'Européens sans enfant. Et dans nos pays riches, on peut penser que les parents en charge d'enfants sont plus motivés par la sauvegarde de l'environnement et les sacrifices qu'elle requiert que des personnes sans descendance, portées quoiqu'elles en disent par le précepte : « Après nous le déluge ».

Mirage oriental

Dans les années 1970, les démographes ont été pris de court par l'évolution de l'Europe et de l'Extrême-Orient vers une fécondité régressive, de l'ordre de 1 à 1,8 enfants par femme alors qu'ils attendaient une stabilisation à l'équilibre (2,05 enfants par femme), au terme d'une hypothétique « transition démographique

Évolution du taux de fécondité totale au Maghreb depuis 1990 (DR)En ces années 2000, ils ont été doublement surpris par l'évolution des pays maghrébins. Ceux-ci connaissaient dans les années 1970 une fécondité exceptionnellement élevée (8 enfants par femme en Algérie).

 

 

Puis, dans les années 1980, plus rapidement qu'en aucune autre région du monde, elle a paru rejoindre les seuils occidentaux. Après cette première surprise, les démographes en ont eu une autre quand ils ont vu la fécondité des Maghrébines se redresser légèrement mais significativement à partir de 2005.

 

L'Algérie a redépassé le Maroc et culmine à 3 enfants par femme, la Tunisie et le Maroc semblent en voie de se stabiliser au-dessus de 2 enfants par femme.

 

Cela signifierait que le « modèle » européen et extrême-oriental n'est pas l'avenir inéluctable de l'humanité... Et l'on peut se demander si les pays du Moyen-Orient ne sont pas appelés à connaître aussi un regain après une décrue brutale, à l'image du Maghreb ?

 

Deux pays méritent notre attention :

- l'Arabie séoudite (30 millions d'habitants) a vu son indice de fécondité chuter en quinze ans de 6,4 à 2,9 enfants par femme, ce qui laisse augurer des remous sous la burqua.

 

Difficile en effet d'imaginer que les Séoudiennes en voie d'émancipation supportent indéfiniment la barbarie wahabbite/djihadiste de la clique dirigeante, fut-elle « alliée » de l'Amérique et de la France.

 

- l'Iran (80 millions d'habitants) a un indice de fécondité « européen » (1,8 enfants par femme), preuve de sa grande proximité avec l'aire occidentale. Difficile de concevoir que des sénateurs américains rêvent d'en découdre avec ce pays porteur d'une grande civilisation de deux mille ans plus ancienne que la leur.

L' exception africaine

L'Afrique subsaharienne se démarque du reste du monde par la persistance d'une fécondité très élevée sur laquelle les coûteuses campagnes de planning familial des ONG et de l'ONU sont presque sans effet (4 à 7 enfants par femme en moyenne, contre 1 à 2 dans le monde développé et 2 à 3 dans la plupart des autres pays).

Le Nigéria, torturé entre un Nord musulman et pauvre, voué à la charia et à l'islamisme, et un Sud chrétien et animiste, riche de son pétrole, est la quintessence de l'Afrique. D'une superficie de 900 000 km2, il représente un cinquième de l'Afrique subsaharienne avec 180 millions d'habitants sur 900 (2014).

 

Sa fécondité moyenne a tout juste chuté de 6,5 à 5,6 enfants par femme entre 1970 et 2014. Avec plus de naissances annuelles que toute l'Europe (7 millions par an), il pourrait compter 400 millions d'habitants en 2050, soit presque autant que l'Union européenne sur une superficie grande comme la France et l'Espagne.

 

- Des indices de fécondité élevés et plutôt stables :

L'Afrique noire témoigne dans le détail de fortes disparités avec des écarts de fécondité de 1 à 2 entre les pays. Un seul pays au sud du Sahara affiche une fécondité plutôt basse. Il s'agit de la République sud-africaine (2,3 enfants par femme en 2014). Les indices de fécondité les moins élevés se situent plutôt en Afrique australe et orientale (Kenya, 3,9 enfants par femme). Les plus élevés se rencontrent au Nord, dans le Sahel (Niger, 7,6 enfants par femme), et en Afrique centrale (Congo, 6,6 enfants par femme). 

Mais on note partout une quasi-stabilité de la fécondité depuis plus de quinze ans, parfois même une hausse comme à Madagascar. L'Éthiopie fait exception (4,1 enfants par femme en 2014 au lieu de 7 en 1999). On peut y voir le signe d'un relatif décollage économique.

 

 

- La « transition démographique » se fait attendre :

Dans les années 1990, les démographes s'attendaient à une décroissance rapide de la population africaine. En 2005, ils ont dû se résigner à reconnaître leur erreur et revoir leurs prévisions à la hausse ! Depuis lors, ils guettent les premiers signes de « transition démographique » en Afrique mais n'en voient guère.

Photo extraite du film Human (Yann Arthus-Bertrand, 2015), DRÀ cela des raisons culturelles : dans la plupart des sociétés africaines, en l'absence de propriété foncière et de cadastre, un chef de famille ne vaut que par le nombre de ses enfants.

 

Il espère que, dans le nombre, il s'en trouvera au moins un pour devenir riche et assurer plus tard la subsistance du clan familial. En cas de nécessité, il peut louer ses garçons à des employeurs. Il peut aussi tirer profit de la cession de ses filles contre une dot.

 

Le statut social de la femme est également lié à la taille de sa famille. Plus elle a d'enfants, plus elle est assurée d'être respectée et protégéee dans ses vieux jours.

 

Il faut compter aussi avec des raisons politiques : la population est une arme par défaut qui permet aux élites du continent de se faire entendre sur la scène mondiale.

 

Sauf surprise, la population mondiale devrait atteindre 9,8 milliards d'hommes en 2050, soit un croît de 2,5 milliards en 35 ans. 

 

Aujourd'hui peuplée de 950 millions d'habitants, l'Afrique subsaharienne devrait en compter à cette échéance plus de deux milliards, soit un croît de 1,1 milliard.  

 

Autrement dit, 40% de la croissance démographique à venir se tiendra dans cette région qui représente aujourd'hui à peine 14% de l'humanité (la population de l'Afrique va ainsi progresser de 120% et le reste du monde de 20%).

Comment l'Afrique noire encaissera-t-elle ce choc alors qu'elle est aujourd'hui incapable de nourrir plus de la moitié de ses habitants avec ses propres ressources ?

 

Comment l'Europe et les pays méditerranéens voisins résisteront-ils aux pressions migratoires venues du sud du Sahara ? Sans doute sera-ce l'enjeu clé des prochaines décennies.

À la recherche d'un nouvel équilibre

Il est aujourd'hui légitime de s'interroger sur les déséquilibres à venir.

Songeons qu'il y a un siècle à peine, au temps de nos grands-parents, le Vieux Continent, pas si vieux que ça, portait le quart de l'humanité et, avec ses antennes du Nouveau Monde (Amériques et Océanie), représentait 40% de l'humanité.

 

Ses productions et ses innovations en tous genres assuraient au minimum les deux tiers de la richesse mondiale.

 

Rien d'étonnant donc à ce que l'Europe ait été portée à la démesure et vaincue par son hubris. Il ne s'agirait pas qu'aujourd'hui, par réaction, elle se laisse entraîner à une démesure inverse avec le rejet des États-Nations qui ont fait sa grandeur, au profit d'un irénisme béat et d'une dissolution dans un magma « multiculturel »

Avec bientôt une population à peine supérieure à celle du seul Nigéria, elle doit renoncer à sa prétention à incarner des « valeurs universelles » et se contenter de préserver les intérêts et l'avenir de ses habitants, comme tout grand État qui se respecte.

Bibliographie

En matière de démographie, la France dispose de spécialistes de réputation mondiale qui se sont formés dans le sillage du regretté Alfred Sauvy.

 

Sur l'évolution du nombre des hommes, on peut consulter avec profit l'article de Jean-Noël Biraben, dans Population & Sociétés (Numéro 394, octobre 2003). Ce bulletin mensuel accessible aux non-spécialistes est édité par l'INED (Institut national d'études démographiques, Paris). Il adapte en français, tous les deux ans, le tableau récapitulatif de la population mondiale publié par le PRB (Population Référence Bureau, Wasington).

André Larané
Source : Hérodote


05/10/2015
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