Bienvenue dans mon Univers

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LEONARD DE VINCI (1452 - 1519) LE GENIE PARADOXAL

L’exposition « Léonard de Vinci et l’anatomie, la mécanique de la vie » se tient au manoir du Clos Lucé (Amboise) du 9 juin au 17 septembre 2023. Elle offre un aperçu captivant de la passion de Léonard de Vinci pour le fonctionnement du corps humain.

 

Les dessins et « maquettes » réalisées grâce à des dissections sont saisissants de précision et de réalisme.

 

 

 

Cette exposition scientifique a été réalisée avec les commissaires d’exposition Dominique Le Nen, professeur des Universités et chirurgien des Hôpitaux au CHRU de Brest, et Pascal Brioist, professeur d’Histoire moderne à l’Université de Tours et membre du Centre d’études supérieures de la Renaissance.

 

Au fil de l’exposition, le visiteur est invité à découvrir l’anatomie du corps humain à travers les yeux de Léonard de Vinci. Ainsi, il peut admirer les dessins anatomiques (en fac-similé) que Léonard réalisait lorsqu’il pratiquait ses dissections, des « maquettes anatomiques » qui correspondent aux dessins, mais aussi quelques gravures originales du maître et même parfois de ses disciples. Quelques ouvrages d’époque provenant de sa bibliothèque personnelle sont également exposés et présentent ainsi les auteurs qui l’ont influencé.

 

 

Vers la fin du parcours, la projection d’une vidéo 3D animée et une installation d’œuvre contemporaine se concentrent sur l’œuvre de La Cène (1495-1498) dans le but de nous faire voir le travail et les recherches préparatoires de Léonard pour ce chef d’œuvre qui marque une innovation majeure dans l’histoire de la peinture occidentale.

 

Enfin, l’installation d’une salle de dissection évoque parfaitement les conditions ainsi que l’ambiance dans laquelle cette pratique pouvait s’effectuer à l’époque. Une activité qui sans doute demandait d’ « avoir des tripes »

 

 

Ce double regard, à la fois historique et scientifique, nous dévoile Léonard de Vinci comme l’un des plus grands anatomistes de tous les temps et un pionnier de l’exploration scientifique.

 

 

Leonardo da Vinci, La Cène, entre 1495 et 1498, Milan, Santa Maria delle Grazie.

 

Léonard de Vinci et la dissection

Né en 1452 à Vinci, en Toscane, Léonard meurt en 1519 au château du Clos Lucé. Fils d’une paysanne et d’un notaire, il se disait « homme libre et sans lettres » car en effet il n’écrivait ni ne parlait le latin.

Léonard de Vinci, Les muscles du bras et les veines du bras et du tronc, vers 1510, feuillet du codex Windsor (fac-similé), Château du Clos Lucé.

 

 

Pourtant, en devenant à la fois artiste, ingénieur et anatomiste, il incarne à merveille l’esprit de la Renaissance, une époque où la connaissance de l’être humain devient le centre du savoir ainsi que le thème privilégié de la peinture et de la sculpture en Europe. C’est bien d’ailleurs son dessin de L’Homme de Vitruve (vers 1490) qui, en plaçant l’homme au centre de l’univers, deviendra plus tard le symbole de l’humanisme.

 

 

Léonard se passionne pour l’anatomie, car pour représenter avec réalisme le corps humain et sa structure, il sait qu’il doit d’abord comprendre son fonctionnement et donc étudier les proportions, le squelette, les membres et les muscles, les os et les tendons.

 

Or, pour Léonard, « la science est la fille de l’expérience », et c’est ainsi qu’il commence à pratiquer la dissection alors que l’étude du corps humain est encore paralysée par des croyances et des tabous. Mais… lui ne craint pas d’affronter directement la mort pour percer le secret du vivant.

 

 

Léonard de Vinci, Les os et les muscles de la jambe, vers 1510, Royal Collection - Windsor. Agrandissement : Muscles de l'épaule, du torse et de la jambe.En l’espace de trente ans, entre 1487 et 1516, il réalise ses dissections anatomiques sur pas moins de trente cadavres.

 

Pour ce faire, il entre en contact avec différents médecins et dissèque dans plusieurs hôpitaux, notamment à Florence entre 1500 et 1507, à Pavie en 1508, ainsi qu’au Grand Hôpital de Milan avec l’anatomiste Marcantonio della Torre (1481-1511).

 

Enfin, vers 1515, il va à Rome et fréquente le médecin du pape, Francesco Dantini.

 

 

Les cadavres que Léonard utilise pour ses dissections sont ceux d’hommes, de femmes (certaines enceintes), d’enfants et de vieillards, et comme on peut l’imaginer, surtout de pauvres et de condamnés à mort, pendus ou décapités.

 

À cette époque une dissection dure environ quatre jours et se pratique bien sûr en hiver, quand la température est plus propice à la conservation du corps.

 

 

Léonard de Vinci, Étude pour les mains, vers 1480, Royal Collection - Windsor. Agrandissement : Étude pour des mains de femmes, vers 1480, Royal Collection - Windsor.

 

 

Par ailleurs, il est important de rappeler que, contrairement à une idée répandue, Léonard ne pratiquait nullement ses dissections en secret et ne s’opposait en rien à l’Église et aux institutions médicales.

 

En réalité c’est bien plus tard qu’il rencontre certaines difficultés en se mettant en porte-à-faux avec les opinions pontificales, à propos de ses idées sur la reproduction et notamment sur la nature de la vie dans le fœtus.

 

Sinon, il agit au vu et au su de tous, et reçoit même la visite au Clos Lucé du cardinal Louis d’Aragon et de son secrétaire Antonio de Béatis en 1517.

 

 

 

 

 

Bien sûr, Léonard doit beaucoup aux nombreux savants qui l’avaient précédé dans l’étude de l’anatomie. Ainsi il s’inspire surtout de l’œuvre du médecin romain Claude Galien (vers 131-201) qui domine d’ailleurs la pensée médicale dans la chrétienté mais aussi dans le monde musulman jusqu’à la Renaissance.

 

 

Mais comme ce dernier ne disséquait que des corps de singes et non des corps humains ! Léonard, pour trouver des modèles, va plutôt s’appuyer sur le Fasciculus medicinae (Venise 1491) de Johaness de Ketham, dans lequel sont compilés plusieurs textes sur l’anatomie écrits par divers auteurs médiévaux comme Guy de Chauliac (XIVe siècle) ou encore Mondino de’ Liuzzi (XIIIe siècle).

 

 

Léonard de Vinci, Le cœur et les vaisseaux coronaires, vers 1510, Royal Collection - Windsor. Agrandissement : Le squelette, vers 1510, Royal Collection - Windsor.

Léonard de Vinci, Les voies nerveuses vers le cerveau, vers 1509, Royal Collection - Windsor. Agrandissement : Couches du cuir chevelu et ventricules cérébraux, folio du codex de Windsor (fac-similé), Château du Clos Lucé.

 

Néanmoins Léonard reste un autodidacte et se différencie de ses prédécesseurs en inventant une nouvelle méthode de dissection d’une extrême originalité : la dissection par couches (il différencie 10 couches dans le corps humain), mais aussi la dissection en coupes, et la dissection en perspective.

 

 

Dans ses dessins il offrait ainsi de multiples angles de vue sur le sujet avant d’établir la synthèse de toutes les parties du corps disséqué.

 

 

Selon le professeur Le Nen, « Léonard invente avec cinq siècles d’avance sur son temps, le principe de visualisation du scanner et de l’imagerie par résonance magnétique (IRM). »

 

 

Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, vers 1490, Venise, Galeries de l'Académie.

Le manuscrit de Windsor

En même temps qu’il pratiquait la dissection, Léonard expliquait dans des carnets la façon dont il s’y prenait mais aussi ce qu’il observait. Ces notes s’accompagnent de dessins d’une précision remarquable qui étonnent encore aujourd’hui les spécialistes de l’anatomie humaine.

 

 

Le crâne sectionné, 1489, Royal Collection - Windsor. Agrandissement : Anatomie du cou, folio du codex de Windsor (fac-similé), Château du Clos Lucé.Certains le qualifient même de précurseur incontesté de la connaissance anatomique descriptive et fonctionnelle.

 

Dominique Le Nen affirme notamment qu’on peut le compter « parmi les meilleurs artistes ayant reproduit des organes comme la main, pourtant si difficile à recréer. »

 

 

Le manuscrit de Léonard de Vinci est constitué de 228 planches anatomiques recto verso, qui ont été rassemblées à sa mort par Francesco Melzi, son disciple préféré et héritier testamentaire.

 

Lorsque ce dernier meurt à son tour en 1570, une grande partie des dessins est vendue au sculpteur Pompeo Leoni (1531-1608) qui en fait l’acquisition vers 1580.

 

 

 

Léonard de Vinci, Colonne vertébrale, folio du codex de Windsor (fac-similé), Château du Clos Lucé.

 

 

Les carnets de Léonard tombent ensuite dans l’oubli, mais certains, dont la collection de dessins anatomiques, sont rachetés en 1690 par la Royal Library de Windsor de Londres. Aujourd’hui, ces planches appartiennent toujours à la Couronne d’Angleterre.

 

Il faut attendre la toute fin du XIXe siècle pour que l’on voie apparaître une édition complète en fac-similé de la collection conservée à Windsor, soit quatre cents ans après la mort du maître toscan.

 

 

 

Jan van Calcar, Andreas Vesalius pratiquant une autopsie, 1543. Agrandissement : Léonard de Vinci, le système cardiovasculaire et les principaux organes d'une femme, vers 1510, Royal Collection - Windsor.Ces dessins sont non seulement d’une très grande beauté, mais aussi d’une vérité inégalée, contribuant à l’émergence de nouveaux savoirs.

 

 

Léonard est ainsi le premier à découvrir le sinus en sectionnant un crâne ; mais aussi le premier à dessiner de façon précise et détaillée la colonne vertébrale et ses courbes en identifiant précisément chacune des vertèbres cervicales, thoraciques et lombaires.

 

 

Cette dernière planche d’ailleurs illustre bien cette idée d’un corps humain démontable et remontable, mais aussi ce respect et cette éthique qu’il avait du cadavre.

 

 

Il est aussi le premier à diagnostiquer l’artériosclérose lors d’une dissection de vieillard centenaire ; à identifier dans le cœur quatre cavités cardiaques alors qu’André Vésale (1514-1564), le « père de l’anatomie moderne », aussi bien que René Descartes (1596-1650), ne décriront que deux cavités.

 

Enfin Léonard est aussi le premier à découvrir l’anatomie abdominale et thoracique, et surtout à étudier l’embryologie et figurer l’anatomie d’un fœtus dans l’utérus.

 

 

Léonard de Vinci, Le foetus dans l'utérus, vers 1511, Royal Collection - Windsor.

Elucider la nature même de la vie

Cette exploration scientifique amène Léonard à développer des théories philosophiques sur la nature même de la vie dont beaucoup lui sont inspirées par ses lectures.

 

 

Léonard de Vinci, Le fœtus et les muscles attachés au bassin, Royal Collection - Windsor. Agrandissement : Étude de l'acte sexuel et de l'organe sexuel masculin, Royal Collection - Windsor.Ses influences et ses sources sont multiples : Aristote, Vitruve, Ptolémée, Galien, Avicenne, Mondino, Guy de Chauliac, et Jean de Ketham entre autres.

 

 

Léonard avait notamment le sentiment profond de l’existence d’une harmonie du monde et la conviction que le microcosme du corps humain entretenait des relations de ressemblance avec le macrocosme du corps de la Terre.

 

Par exemple il établit des analogies entre les vaisseaux sanguins et les branches des arbres ou la circulation de l’onde d’une rivière, et compare le cœur à l’océan. Quoi qu’il en soit pour l’artiste, l’Homme est bel et bien « le modèle du monde ».

 

Léonard de Vinci, L'anatomie d'un pied d'ours, vers 1490, Royal Collection - Windsor. Agrandissement : Les muscles et les os des jambes de l'homme et du cheval, vers 1508, Royal Collection - Windsor.Il emprunte aussi beaucoup à Aristote - notamment sa conception de l’âme développée dans son De Anima - pour établir un parallèle, une anatomie comparative entre l’homme et les animaux qu’il dissèque également.

 

S’appuyant sur l’idée qu’il y a de l’âme animal dans l’homme, il va comparer les membres du corps humain avec ceux du cheval, du singe, de la grenouille ou des oiseaux. Dans l’un de ses dessins il compare même une patte d’ours avec le pied d’un homme.

 

 

Cinq têtes grotesques, vers 1490, Royal Collection - Windsor.

 

Ces lectures peuvent aussi expliquer son intérêt pour la physiognomonie. Celle-ci consiste à étudier les caractères physiques de l’homme, comme les traits du visage ou la forme du crâne, et de les comparer avec certains animaux afin de comprendre la personnalité humaine.

 

Cette volonté de reconnaître l’animal dans la physionomie humaine lui fera produire des dessins représentant des têtes grotesques dont les gravures originales sont présentées dans l’exposition du Clos Lucé.

 

 

Enfin, Léonard l’ingénieur ne peut s’empêcher d’étudier le corps humain comme une science mécanique. Pour lui c’est avant tout une « merveilleuse machine » dont les organes sont comme des engrenages. Il rapproche, par exemple, le mouvement des muscles au mécanisme des cordes et des poulies allant même jusqu’à dessiner un hauban de bateau pour représenter les tendons du cou.

 

 

Vue général du manoir du Clos-Lucé à Amboise. Agrandissement : Vue sur la façade arrière et sur le Jardin à l'italienne.

 
Léonard de Vinci au Clos Lucé
 
 

Situé tout près du château royal d’Amboise qui surplombe la Loire, le manoir du Clos Lucé fut construit en 1471 sous le règne de Louis XI. Aisément reconnaissable avec son architecture de briques roses et de pierres de tuffeau, cette demeure qu’on appelait jadis le « manoir du Cloux » était également protégée à cette époque par des fortifications.

 


Léonard de Vinci s’y installa en 1516 quand François Ier, quelques mois après sa victoire à Marignan, l’invita à séjourner en France avec le titre de « Premier peintre, ingénieur et architecte » du roi. Le peintre toscan apporta avec lui ses manuscrits mais aussi trois tableaux dont la célèbre Joconde, la Sainte Anne et le Saint Jean Baptiste, aujourd’hui exposés au Louvre. Il reçut du roi une pension de 1000 écus d’or par an, ce qui lui permettait de travailler sur ses œuvres d’artistes ainsi que ses divers projets d’ingénieur et d’architecte...

 

Situé tout près du château royal d’Amboise qui surplombe la Loire, le manoir du Clos Lucé fut construit en 1471 sous le règne de Louis XI. Aisément reconnaissable avec son architecture de briques roses et de pierres de tuffeau, cette demeure qu’on appelait jadis le « manoir du Cloux » était également protégée à cette époque par des fortifications.

 

 

Manoir du Clos-Lucé, aile sud-ouest.Acheté par Charles VIII en 1490, le lieu devint la résidence de plaisance des rois de France.

 

Aussi la régente Louise de Savoie y séjourna-t-elle avec ses enfants, le comte d’Angoulême, futur François Ier, et Marguerite de Navarre, première femme de lettres de la Renaissance, protectrice notamment des poètes Clément Marot et Pierre de Ronsard.

 

 

Léonard de Vinci s’y installa en 1516 quand François Ier, quelques mois après sa victoire à Marignan, l’invita à séjourner en France avec le titre de « Premier peintre, ingénieur et architecte » du roi.

 

Le peintre lombard apporta avec lui ses manuscrits mais aussi trois tableaux dont la célèbre Joconde, la Sainte Anne et le Saint Jean Baptiste, aujourd’hui exposés au Louvre.

 

Il reçut du roi une pension de 1000 écus d’or par an, ce qui lui permit de travailler sur ses œuvres d’artistes ainsi que ses divers projets d’ingénieur et d’architecte.

 

 

Parmi les évènements qui marquèrent cette période, il nous faut évoquer « la Fête du Paradis » organisée au Clos Lucé par Léonard le 19 juin 1518 ; une féerie nocturne avec effets spéciaux durant laquelle les convives pouvaient admirer une voute céleste étoilée artificielle et parcourue par le mouvement des astres.

 

 

Chambre restaurée de Léonard de Vinci. Agrandissement : Ingres, La Mort de Léonard de Vinci ou  François Iᵉʳ reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci, 1818, Paris, Petit-Palais.

Le Clos Lucé fut également la dernière demeure de Léonard qui mourut à l’âge de 67 ans dans l’une de ses chambres que l’on peut visiter aujourd’hui. La légende rapporte que François Ier l’aurait assisté à son chevet et qu’en apprenant sa mort il aurait prononcé ces mots :

 

« Pour chacun de nous, la mort de cet homme est un deuil car il est impossible que la vie en produise un semblable. »

 

 

Chambre de Marguerite de Navarre.Outre la chambre de Léonard de Vinci, le visiteur peut aussi admirer la chambre de Marguerite de Navarre, l’Oratoire d’Anne de Bretagne (épouse de Charles VIII) avec ses fresques peintes par les élèves de Léonard, les ateliers de ce dernier restitués dans l’esprit des bottegas (ateliers d’artistes) de la Renaissance, la grande salle qui servait de lieu de réception du château, la salle de maquette où sont exposées les fabuleuses machines inventées par Léonard, la cuisine mais aussi un ancien chemin de ronde devenu une galerie (ou « loge » à l’italienne) d’où la cour pouvait admirer fêtes et tournois.

 

 

 

La visite se poursuit dans le jardin où l’on retrouve cette flore et cette atmosphère qui inspira les détails des tableaux de Léonard et qui nous rappelle la passion de ce dernier pour la botanique avant même que celle-ci n’ait été constituée en une réelle science.

 

Et enfin, toujours en plein air, dans le parc avec son moulin et son pigeonnier, et où l’on peut découvrir une mise en scène des inventions majeures de Léonard de Vinci.

 

 

Le jardin et le pont Léonard.

 

Touche-à-tout à la curiosité insatiable, Léonard de Vinci est le modèle de l'artiste absolu et le représentant le plus accompli de la Renaissance italienne.

 

Dans cette Italie bouillonnante des marchands et des condottiere (dico), il a servi les puissants les plus inattendus, Ludovic Sforza (Milan), Laurent le Magnifique (Florence), Alexandre VI et César Borgia (Rome) sans compter le roi de France François Ier.

 

Il a confronté ses talents à ceux de Verrocchio, Botticcelli, Michel-Ange, Raphaël etc.

 

Il a défriché les champs de la connaissance dans des milliers de pages et de croquis, aussi bien en mécanique qu'en biologie, médecine, astronomie etc. Il a témoigné de ses talents comme organisateur de fêtes et il a connu aussi les affres de la guerre.  

 

Le paradoxe est que, dans son souci de perfection, il est très rarement arrivé au bout de ses projets ou bien a échoué à vouloir trop innover.

 

 

Adepte de la peinture de chevalet et de la peinture à l'huile, une innnovation venue des Flandres, on ne lui connaît que vingt œuvres authentifiées, toutes des chefs-d'oeuvre. Et aucune de ses recherches scientifiques ou de ses réalisations d'ingénieur n'a laissé de traces concrètes.

 

  

 

 Un jeune homme doté de tous les dons

 

 

Baptême du Christ (Verrochio et Léonard de Vinci, 1475, Offices, Florence)Lionardo di Ser Piero da Vinci est le fils illégitime de Messer Piero, un notaire de Vinci, village proche de Florence. Il bénéficie d'une éducation de qualité dans un milieu familial chaleureux et cultivé.

 

 

À 17 ans, Léonard se forme à la peinture et aux autres arts dans l'atelier de l'illustre Andrea del Verrocchio, tout comme Botticelli, Lorenzo di Credi, Pérugin...

 

Il réalise de concert avec le maître un remarquable Baptême du Christ (il est sans doute l'auteur des deux anges de gauche). La première oeuvre de sa main est la Madone à l'œillet (1476).

 

 

Élégant et beau autant que surdoué, le jeune Leonardo da Vinci devient un familier de Laurent le Magnifique, maître tout-puissant de la République de Florence et grand mécène.

 

 

Cependant, la vie en Toscane n'est pas aussi douce qu'on pourrait le croire : jugé pour sodomie, Léonard s'exile en 1476 et ne revient qu'en 1478.

 

C'est alors qu'il quitte son maître et s'installe à son compte mais sans parvenir à obtenir la réputation qu'il estime, à juste titre, mériter.

 

Il faut dire qu'il a une fâcheuse tendance à ne pas achever ce qu'il entreprend. De plus, lorsqu'il obtient des commandes de tableaux religieux, leur style déplaît tant qu'elles lui sont en général retirées, comme un Saint Jérôme et une Adoration des Mages pour le couvent de San Donato.

 

 

Dépité, Léonard part en 1482 à Milan, où il espère obtenir les bonnes grâces du duc Ludovic le More : il lui adresse pour cela une longue lettre détaillant ses capacités d'architecte et d'ingénieur, en particulier en matière militaire.

 

Seules les supplications de ses amis le convainquent de rajouter qu'il est aussi peintre... Et c'est seulement dix ans plus tard qu'il obtiendra le titre d'ingénieur ducal, plus prestigieux que celui d'artiste !

À Milan, Léonard de Vinci peint la Vierge aux rochers, le premier de ses chefs-d'oeuvre picturaux (il en réalisera plus tard une deuxième version, aujourd'hui à la National Gallery, Londres, avec le concours de ses assistants).

 

Il réalise aussi de magnifiques portraits de femmes, à vrai dire des maîtresses du duc : La Dame à l'Hermine et La Belle Ferronnière (ci-dessous).

 
 
Génie pictural
 

Nonobstant les aléas de sa longue vie, Léonard de Vinci n'en demeure pas moins un peintre de génie. Il a compris avant tout le monde les possibilités offertes par la peinture à l’huile, une invention flamande.

 

Inventeur touche-à-tout, il occupe une place de premier plan dans la peinture en raison de sa maîtrise du fondu. Il est l'inventeur du sfumato, un procédé pictural qui adoucit les contours des ombres et les fond dans la lumière ambiante.


Sa manière révolutionnaire d'estomper les formes et de créer l'indécision des ombres et de la lumière va influencer les grands peintres du clair-obscur, au premier rang desquels Rembrandt, un siècle plus tard.

 

 

Cecilia Gallerani, Dame à l'Hermine  (Léonard de Vinci, huile sur bois, 1489, Musée de Cracovie) ; agrandissement : Dame de la cour, dite La Belle Ferronnière (Léonard de Vinci, huile sur bois, 1490 à 1497, Louvre)

Créateur malchanceux

Aussi surprenant que cela nous paraisse aujourd'hui, ce n'est pas comme peintre que Léonard est toutefois célèbre en son temps mais comme organisateur de fêtes. Là, il déploie tout son génie d'inventeur pour développer des machines et mettre en place des spectacles comme personne n'en avait jamais vu.

 

 

Léonard de Vinci, L'Homme de Vitruve (1490, Gallerie dell'Accademia, Venise)Ses recherches esthétiques passent déjà par de multiples croquis comme L'homme de Vitruve (1490), un dessin inspiré des théories de l'architecte romain Vitruve (Ier siècle av. J.-C.) qui inscrit l'homme dans un cercle et un carré à la fois, signifiant par là que « l'homme est la mesure de toute chose » (aphorisme emprunté à Platon et à son aîné, le sophiste grec Protagoras).

 

Ce dessin et la formule associée incarnent mieux que tout l'humanisme et la Renaissance.

 

 

Mais son ambition est autre : il désire plus que tout réaliser le monument équestre que Ludovic veut faire construire pour son père défunt.

 

Après plusieurs années d'humiliation, il est enfin chargé de l'œuvre qui doit assurer sa réputation. Représenter un cheval cabré est un défi technique inouï ; des tonnes de bronze s'accumulent dans la ville, mais voici qu'en 1494, le roi de France Charles VIII entreprend une expédition en Italie. Le métal est alors utilisé pour l'artillerie et le projet équestre ne sera jamais réalisé.

 

 

L'alerte passée, Ludovic demande à Léonard de peindre la Cène pour le réfectoire du monastère Santa Maria delle Grazie. L'œuvre obtient enfin un succès général, mais le destin frappe à nouveau : quelques années plus tard, elle commence à se détériorer, victime de l'humidité et des techniques trop innovantes et mal maîtrisée que le peintre a tenu à employer. Les couleurs passent et la peinture se décolle.

 

Décidément, Léonard est maudit. Il faut dire aussi qu'il n'a jamais eu de chance (ni de goût) avec les oeuvres de grandes dimensions et la technique de la fresque .

 

 

En 1499, les Français, conduits cette fois par le roi Louis XII, reviennent en Italie et cette fois déposent Ludovic.

 

 

Léonard de Vinci, Portrait d'Isabelle d'Este, 1499-1500, 61 cm x 46 cm, LouvreLe souverain français rencontre Léonard de Vinci, dont la célébrité dépasse d'ores et déjà les frontières de l'Italie, et lui commande un portrait de sainte Anne, mère de la Vierge, pour honorer son épouse Anne de Bretagne qui vient de lui donner une fille. 

 

Le peintre va travailler sur cette oeuvre jusqu'à sa mort, près de vingt ans plus tard, portant à la perfection la technique du sfumato dont il est le maître inégalé...

 

 

Faute de commandes, il quitte Milan pour Mantoue et Venise, où il ne reste que quelques mois, sans parvenir à « percer ». À Mantoue, il se signale par un portrait (inachevé) d'Isabelle d'Este.

 

 

 

 

 

 

Enfin, à Florence, grâce à l'entremise de Machiavel, le gonfalonnier de justice Piero Soderini, qui a remplacé les Médicis à la tête de la République, lui confie la décoration de la nouvelle salle du Grand Conseil, dans le palais de la Seigneurie.

 

 

Léonard de Vinci, Étude de figure pour la bataille d'Anghiari (vers 1504, sanguine, musée de Budapest)

La bataille d'Anghiari (copie par Paul Rubens de l'oeuvre perdue de Léonard de Vinci, 1603, Louvre)Il s'agit d'illustrer La Bataille d'Anghiari, un combat qui a vu en 1440 la victoire de Florence sur Milan. L'affrontement en lui-même n'a rien eu d'extraordinaire, le seul mort est tombé de cheval. Mais Léonard va le transformer en une victoire épique.

 

 

Ses cartons fascinent tous les spectateurs, mais les problèmes techniques le dépassent, d'autant que la ville a en même temps embauché Michel-Ange (25 ans) pour peindre à l'autre bout de la salle, une Bataille de Cascina : durant plusieurs mois, la cohabitation est houleuse !

 

 

Léonard de Vinci et son cadet se détestent. Le premier est lumineux et affable autant que le second est ténébreux et tourmenté. L'un ne jure que par la peinture à l'huile, l'autre affronte la fresque et le marbre...  Mais ni l'un ni l'autre n'achèvera en définitive sa bataille.

 

 

Michel-Ange l'abandonnera pour gagner Rome et se vouer à la Sixtine.

 

Léonard, quant à lui achèvera son oeuvre mais de celle-ci, aujourd'hui disparue, il ne reste que les études préparatoires et une copie réalisée par Rubens en 1603 .

 

 

Toujours à Florence, un marchand, Francisco del Giocondo, lui commande en 1503 un portrait de sa troisième femme, Madonna Lisa (ou pour faire court, Mona Lisa).

 

Il ignore qu'il sera à l'origine du plus célèbre tableau du monde, la Joconde. Léonard n'abandonne pas son œuvre, bien au contraire. Il refuse de s'en séparer et, jusqu'à sa mort, ne cessera de la retoucher.

 

Tant pis pour le mari. Au musée du Louvre, dont elle est aujourd'hui la vedette avec son sourire indéfinissable de jeune mère épanouie, la Joconde semble suivre ses innombrables admirateurs de son regard. Oublié, le vol dont elle a été victime en 1911...

 

Après un séjour à Rome, où il a du mal à affronter la concurrence de Michel-Ange et Raphaël, Léonard se rend finalement en France en 1516, à la demande pressante de François Ier, le vainqueur de Marignan, qui a pour lui le plus grand respect.

 

Il lui offre le manoir royal du Cloux, ou Clos-Lucé, près d'Amboise, ainsi qu'une généreuse pension.

Handicapé de la main droite, le vieil homme ne peut plus guère peindre. Mais il organise quelques belles fêtes pour son protecteur et jette les plans d'une nouvelle capitale royale à... Romorantin, au coeur de la Sologne.

 

On lui attribue aussi les plans du futur château de Chambord et peut-être de son célèbre escalier à double vis.

 

Il meurt trois ans plus tard, non sans avoir réglé ses obsèques dans le plus grand détail. La légende veut que le jeune roi de France ait recueilli son dernier soupir, le 2 mai 1519 :

 

« Aucun homme ne vint au monde qui en sût autant que Léonard », dit le roi en manière d'épitaphe.

La vie de Léonard : un échec ?

Par son génie, Léonard symbolise la Renaissance italienne. Pourtant, il est aussi une figure tout à fait exceptionnelle et à part. Il n'a pas reçu de formation poussée, ne lit ni le grec ni le latin et connaît mal les œuvres antiques.

 

Il n'est jamais parvenu à s'établir comme ses contemporains Botticelli et Michel-Ange ou son cadet Raphaël, qui ne l'en admire pas moins. 

 

Les tableaux qui lui sont attribués avec certitude se comptent au nombre d'une vingtaine au maximum (quatre d'entre eux sont au Louvre : La Vierge aux Rochers, Saint Jean-Baptiste, Sainte Anne, La Joconde).

 

 

Léonard de Vinci, étude du foetus dans l'utérusIl a projeté de rédiger 120 traités sur les sujets les plus divers, sans jamais en écrire un seul.

 

Curieux de tout, il a pratiqué une dissection en 1507 à l'hôpital Santa Maria Nuova de Florence, en violation de la loi.

 

Il a ainsi découvert comment un infarctus pouvait être provoqué par une artère bouchée. Il a aussi représenté pour la première fois le fœtus dans l'utérus de la mère.

 

 

Les inventions techniques qu'on lui attribue, comme le parachute par exemple, posent également de nombreux problèmes : elles sont dessinées sur les milliers de pages de carnets que Léonard a noircis tout au long de sa vie, mais on ne sait pas s'il s'agit réellement d'inventions ou s'il se contente de noter des idées empruntées à d'autres personnes.

 

 

En bonne partie conservés à la Biblioteca Ambrosiana (Milan), ses carnets de notes reflètent avant tout son insatiable curiosité et son ouverture aux idées et aux techniques de son temps.

 

Pour ne rien arranger, Léonard, qui était gaucher, pratiquait une « écriture en miroir » dite spéculaire (de speculum, « miroir »). Il écrivait à l'envers, de sorte que pour déchiffrer ses écrits, il faut les consulter dans un miroir, en vision inversée .

 

 

Sa personnalité est aussi troublante que son génie. Prodigue avec ses amis, il tient la comptabilité de ses dépenses avec la précision d'un usurier.

 

En mourant, il lègue ses biens à son élève et disciple Francesco Melzi, qui l'a accompagné à Amboise, ainsi qu'à Andrea Salai, son autre élève et sans doute aussi son amant.

 

Melzi a réalisé le seul portrait que l'on connaisse de Léonard de Vinci âgé. Salai a posé pour saint Jean-Baptiste et a sans doute peint la copie de la Joconde qui est au Prado, à Madrid. Réalisée en même temps que l'autre, elle servait vraisemblablement de prototype ou de modèle expérimental au maître.

 

 

Bibliographie

À quoi ressemblait Léonard ? Aujourd'hui, on se le représente communément sous les traits d'un auguste vieillard à la barbe de prophète tel que l'a croqué son élève et disciple Francesco Melzi ou tel qu'il se serait portraituré lui-même (ci-contre).

 

 

Mais sans doute ses contemporains ont-ils surtout gardé le souvenir d'un beau jeune homme affable et plein de bonnes manières, de ceux qui charment les cours princières. En somme, il reste et restera toujours un mystère.

 

 

 

 

 

Pour aller plus loin, nous recommandons la passionnante biographie du spécialiste italien Carlo Vecce : Léonard de Vinci (Flammarion, 2001). Elle met l'accent sur la vie personnelle tourmentée du génie.

 

Portrait de Léonard de Vinci attribué à Francesco Melzi, vers 1516 (Veneranda Biblioteca Ambrosiana)La pensée scientifique de Léonard a fait l'objet d'une étude très fouillée par Fritjof Capra (Léonard de Vinci, homme de sciences, Actes Sud).

 

Nous vous suggérons aussi Léonard de Vinci (Folio) de Sophie Chauveau, qui se lit comme un roman, et pour cause : l'auteur est aussi romancière (citons du même auteur, pour rester dans l'histoire de l'art, La Passion Lippi ou Le Rêve Botticell, tous deux disponibles en Folio).

 

Dans le genre romanesque, on peut lire aussi Au temps où la Joconde parlait (J'ai Lu, 1993). L'auteur, Jean Diwo, décrit avec brio la Renaissance italienne et la concurrence de Léonard et Michel-Ange.

 


17/08/2023
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