LOUIS XIV AU JOUR LE JOUR - PHILIPPE ERLANGER
Il n'est pas simple d'établir le bilan d'un tel règne. Depuis la guerre de Hollande jusqu'à la révocation, la plupart des actes qui valurent au roi les applaudissements de ses sujets nous paraissent aujourd'hui condamnables.
En revanche la gloire subsiste grâce à des entreprises telles que la création de Versailles sur quoi ses contemporains s'accordèrent à jeter l'anathème.
L'hégémonie perdue au profit de l'Angleterre, la rancune tenace des pays ravagés, la banqueroute financière, la détresse économique, la persécution des protestants et des jansénistes, l'église divisée en deux camps, les assises de la monarchie profondément ébranlées composent le total d'un passif écrasant.
L'actif n'en reste pas moins considérable. Le despote adoré en 1661, maudit en 1715, a libéré la patrie des guerres civiles et des invasions, ceinturé les frontières, dompté une noblesse factieuse, brisé à jamais la tenaille dans laquelle, deux siècles durant, la Maison d'Autriche avait voulu broyer la France.
Transformant une nation encore grossière, il en a fait le modèle de l'Occident civilisé.
En définitive, chaque Français pourrait lui dédier les derniers vers de Corneille sur Richelieu :
Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal.
Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien.
Louis XIV s'est identifié à sa fonction au point qu'il devient presque impossible de juger l'individu.
Sa dureté et son courage, son orgueil et sa passion de l'ordre, sa religion et son culte de la beauté ne sont appréciables qu'en fonction des exigences du gouvernement.
Goethe l'appelait l'homme souverain, le plus vraiment roi qui ait jamais accédé au trône.
Convaincu de personnifier la France, Louis la voulait dominatrice, glorieuse, rayonnante donc heureuse en tant que nation, sans trop se soucier du bonheur des Français.
Absorbant ses sujets comme l'état l'avait absorbé, il fut un précurseur des chefs totalitaires et, peut-être aurait-il glissé aux abîmes ouverts devant les dictateurs modernes si son droit divin ne lui avait pas permis de mépriser ce genre de prestige que doit à tout prix maintenir l'auteur d'un coup d'état.
Il n'en fut pas moins un révolutionnaire authentique car non seulement il bouleversa de fond en comble son royaume mais son esprit synthétique et universel, son invincible besoin d'unité l'amenèrent maintes fois à oublier le réalisme de ses ancêtres et à délaisser leur tradition pour des rêves démesurés.
Figé dans sa majesté impavide et secrète, Louis XIV ne saurait toucher le coeur.
Il suscitera toujours l'admiration parce qu'il mérite l'ultime hommage de son ennemi Saint-Simon :
C'est là ce qui s'appelle vivre et régner
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