SUMMER OF LOVE
Festival de Monterey
1967, l'année de mes quinze ans,
Une chemise bohème et des pattes d'éléphants,
Le premier boy friend, l'envie de liberté,
Le rejet des parents, plus de fraternité,
Enfants du baby boom, de la contre culture,
Nous étions peace and love de belle dame nature.
Martine
Il y a pile cinquante six ans, une déferlante hippie submergeait la ville de San Francisco. Retour sur cet iconique "Summer of Love".
Juin 1967, l’été s'annonce doux à San Francisco. Cette année-là, plus de 100.000 jeunes lassés par le conformisme bourgeois de leurs parents affluent vers la plus bohème des villes californiennes.
Direction : le quartier résidentiel de Haight-Ashbury. Ses rues jalonnées par les maisons victoriennes et d’habitude empruntées par les familles de la middle class deviendront en quelques mois l’épicentre d’une contre-culture mondiale.
Celle que l’on nomme couramment "hippie" et à qui l’on accole l’image de jeunes chevelus un peu désœuvrés, adeptes des psychotropes et des jeans déchirés. La caricature est facile, il est vrai.
Pourtant, cette parade aux airs de vacances dessinera, derrière les couronnes de fleurs et les tenues légères, une idéologie qui bouleversa le pays et le monde.
Mais tout ne s’est pas fait en un été. Déjà au mois de janvier, plus de 30.000 personnes défilent pieds nus dans l’herbe du Golden Gate Park de San Francisco.
Sous le soleil d'hiver, les jeunes Californiens assistent au "Human Be-In", un événement local lors duquel on peut écouter Allen Ginsberg réciter sa poésie ou voir les Grateful Dead en concert gratuit quelques mètres plus loin.
Dans la foule, les gens se prêtent un manifeste publié pour l'occasion. "Ouvre-toi, connecte-toi, détache-toi" ("Turn on, tune in, drop out") peut-on y lire. Trois impératifs invitant chacun à s’abandonner pour vivre l’expérience collective.
Une philosophie que développe devant la foule réunie le psychologue et promoteur du LSD Timothy Leary. "Sortez de votre esprit et entrez dans vos sens", lance sur scène celui qui est acclamé comme un gourou. Une injonction presque sibylline qui prend sens une fois le buvard d’acide ingéré.
Timothy Leary, lors du festival "Human Be-In".
A l'époque, en trouver n’est pas un problème. Le LSD se distribue gratuitement dans le parc, avant de se voir interdit à la fin de l'été.
En parallèle, un autre symbole se répand progressivement sur les affiches comme les vêtements des festivaliers : "Peut-être les hippies pensent-ils d’abord love et les étudiants scandent-ils surtout peace mais de plus en plus, personne ne considère plus qu’il puisse y avoir love sans peace, et le sigle commence à fleurir au milieu des motifs psychédéliques", explique Jean-Marc Bel dans son livre "En route pour Woodstock".
L'événement du Monterey Pop Festival
Dans les rangs de cet happening géant, des étudiants de Berkeley, des activistes libertaires ou encore de simples hédonistes en quête de spiritualité.
D’une voix commune, ils pointent du doigt les travers de l'"American way of Life", la guerre du Vietnam, dénoncent l’empire de l’église ou encore la destruction progressive de l’écosystème. Peu à peu l'affluence gagne du terrain.
Elle fascine d’abord la presse locale avant d’attirer les chaînes télé du reste du pays scandalisés par le "phénomène hippie".
La municipalité de San Francisco a bien tenté de freiner cet afflux de "désorientés". En vain. La fascination l’a emporté. Le "Human Be-In" a ouvert le bal. D’autres manifestations plus conséquentes vont gagner la Californie.
La prochaine se tient quelques mois plus tard. A mi-chemin entre San Francisco et Los Angeles, la petite ville de Monterey située sur la côte accueille en juin 1967 l’un des événements phares du Summer of Love : le premier Monterey Pop Music Festival.
Pendant trois jours, Otis Reding, Janis Joplin, Simon & Garfunkel et les Who se disputent la tête d’affiche.
Derrière eux, une trentaine d’artistes à peine moins iconiques (Jefferson Airplane, The Mamas & the Papas…). Tous se produisent gratuitement, reversant leurs revenus à des organisations caritatives.
Seul le musicien Ravi Shankar touchera un cachet de 3.000 dollars pour sa très longue performance au sitar durant une après-midi entière.
Le programme est éclectique, le temps idyllique, l’euphorie collective.
Là encore, ces mêmes jeunes principalement issus de la bourgeoisie se pressent devant un Hendrix survolté qui achève son "Wild Thing" en aspergeant sa guitare d’essence avant de l’enflammer.
Dans le public, l’ambiance est au flower-power. Littéralement.
Selon" Les Inrocks " 150.000 orchidées importées d'Hawaï fleurissent la scène et les chaises des spectateurs".
Au terme de ces trois jours, certaines décoreront même les casques et guidons de motos des policiers comme des Hell’s Angels.
Ce festival a lancé la mode des 'set-in' qu’on a aussi appelé 'love-in' : des rassemblements pacifistes qui se sont propagés à San Francisco", explique le chercheur Frédéric Monneyron, auteur du livre "Le monde hippie.
De l’imaginaire psychédélique à la révolution informatique", contacté par "l'Obs".
"Des communautés utopiques"
Le festival de Monterey terminé, les yeux se tournent de nouveau vers San Francisco. Sur les ondes passe en boucle ce refrain iconique de Scott McKenzie : "If you’re going to San Francisco, be sure to wear flowers in your hair…".
A l’été 1967, c'est donc établi : Haight-Ashbury devient le bastion de ces idéalistes, gamins de riches ou vagabonds, rejetant d’une seule voix le mode de vie de leurs aînés.
La plupart n’ont pas encore 25 ans. Sous le soleil de Californie, ils se rassemblent dans le parc et expérimentent l’amour libre comme le LSD distribué dans la foule.
Le mouvement continue d'attirer une partie de la jeunesse californienne autant qu’il révulse l’Amérique puritaine.
"Un hippie, c’est quelqu’un qui s’habille comme Tarzan, a les cheveux de Jane et sent comme Cheetah", lâchera même Ronald Reagan fraîchement élu gouverneur de Californie.
Peu importe, la ville s'organise en commune libre. "San Francisco a toujours été très libérale. Des communautés utopiques sont nées pendant cette période. La nourriture y était distribuée gratuitement. Des hôpitaux gratuits se sont montés", ajoute Frédéric Monneyron. Pourtant, bientôt l’idéal utopique va tourner court.
Une foule présente le 21 juin au Golden Gate Park de San Francisco.
Sous l’effet de la surpopulation, le quartier se détériore, la criminalité augmente et les drogues deviennent plus dures.
L'esprit du flower power est déjà bien loin. "Haight-Ashbury commençait à être envahi par des gens modérément intéressés par les idéaux de paix et d’amour : escrocs, mafieux, dealers, gang de bikers.
Ils venaient de toute l’Amérique profiter des hippies défoncés", précise l’historien du rock Barney Hoskyns dans son livre "Waiting for the Sun".
Overdoses, viols, maladies, infections et tensions avec les autres quartiers se multiplient.
La fin d'une époque
Quand George Harrison arrive début août avec son épouse Pattie, il est refroidi par la scène : "Je suis allé là-bas en espérant trouver un endroit éblouissant, plein de bohémiens sympas réalisant des œuvres d’art. […]
Mais c’était bourré d’horribles adolescents fugueurs boutonneux et défoncés", raconte le guitariste dans le livre "The Beatles Anthology".
Le mois d'octobre sonnera le réveil de ce mouvement désormais en perdition. Une jeune femme nommée Linda Rae est violée et sauvagement assassinée par trois jeunes drogués dans un squat du quartier de East Village à New York.
Le fait divers bouleverse les jeunes Californiens qui pour beaucoup décident de rentrer sagement chez eux.
Ultime symbole, un cercueil rempli de fleurs et de plumes est incendié dans le Golden Gate Park le 6 octobre 1967, actant la fin d'une époque.
Toutefois le mouvement s'éteindra définitivement aux Etats-Unis "deux ans plus tard, après les meurtres de Charles Manson qui se revendiquait de la communauté hippie", note encore Frédéric Monneyron.
Cinquante six ans après cette parenthèse estivale, le quartier de Haight-Ashbury n'a plus grand chose du laboratoire utopique d'autrefois. Reste cet esprit contestataire propre à la ville comme à l'Etat de Californie qui, depuis l'élection de Trump, n'a cessé de montrer sa résistance.
Source : Nouvelobs.
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