15 JANVIER 1200 : PHILIPPE AUGUSTE FONDE L'UNIVERSITE DE PARIS
Le 15 janvier 1200, un diplôme de Philippe Auguste fonde l'Université de Paris. Il s'agit pour le roi d’institutionnaliser une diversification de fait des écoles existant depuis le milieu du XIe siècle. Il lance ainsi l’une des plus grandes aventures éducatives et culturelles de l’Occident chrétien.
En finir avec le monopole des évêques
Au tout début du Moyen Âge, les écoles étaient essentiellement religieuses. Les monastères furent les premiers à tenir école afin de former leurs futurs membres. Insuffisantes en nombre, ces écoles furent épaulées par la création d’écoles paroissiales (VIe siècle) puis cathédrales, dites aussi épiscopales (VIIIe-IXe siècle). Toutes avaient pour but d’éduquer enfants et adultes pour le service de la liturgie.
Pour les enfants intelligents et sans fortune, il n’est pas de plus sûre façon de gravir l’échelle sociale. Le meilleur exemple en est donné par Suger, fils de paysan éduqué par les moines de Saint-Denis et appelé à gouverner le royaume sous les règnes de Louis VI et Louis VII (XIIe siècle).
À l’école épiscopale, l’éducation est assurée par les chanoines. Clercs attachés à la cathédrale (l’église de l’évêque), ils sont en charge de sa maintenance aussi bien spirituelle que matérielle.
À Paris, les chanoines de Notre-Dame vivent dans un quartier qui leur est propre, au nord de la cathédrale Notre-Dame. Ils y disposent de maisons privées, où, dès le XIe siècle, peuvent loger quelques étudiants.
Les leçons sont données dans le cloître ; y assistent aussi des étudiants externes, logeant en ville. Les débordements de ces derniers troublant la quiétude du cloitre, lieu de prière et de silence, l’évêque fait transférer la salle d’études au sud de la cathédrale, près de son palais – sous ses fenêtres en quelque sorte, de manière à mieux contrôler que les étudiants ne s’y livrent pas à la boisson ou à des jeux bruyants.
Les chanoines perdent le privilège de l’hébergement mais continuent d’enseigner. Cette décision des évêques (1127, réaffirmée en 1160) amorce le glissement de l’enseignement de Paris vers le sud de l’île de la Cité, voire vers la rive sud du fleuve. Ce qui ne tarde pas à se produire.
Vers 1180, face à l’augmentation du nombre d’étudiants, des maîtres et des élèves quittent les entours du palais épiscopal et traversent le petit bras de la Seine vers le quartier d’Oultre Petit Pont, sur la rive gauche, ouvrant de fait des écoles « privées ».
Pour pouvoir exercer dans une société médiévale marquée par le corporatisme et l’idée de collectivité, maîtres et élèves se dotent des apparences d’une corporation de métier en prenant le nom de universitas magistrorum et scholarium Parisiensis (« communauté des maîtres et des élèves de Paris »). Ses acteurs furent louangés pendant plusieurs siècles :
« Ces hommes spéculatifs, exempts de passions terrestres, et qui ne recommençaient tous les jours que par amour du vrai leurs combats intellectuels. L’objection de l’un est résolue par l’autre, les réfutations, les répliques se succèdent ; on admire tout ce qu’une main puissante est capable de construire et de fortifier sur le terrain mouvant de la dispute (…) » (Jean de Jandun, XIIIe siècle, Collège de Navarre).
Leur migration n’est pas du goût des autorités épiscopales, car elle rapproche géographiquement ces écoles libres de l’abbaye de Sainte-Geneviève, plantée au sommet de la rive gauche, et qui ne répond qu’à l’autorité du pape. Et si les écoles allaient en faire de même ?
Faisant perdre à l’évêque le contrôle territorial et juridique sur les écoles et sur les discours qui y sont tenus. Une rivalité s’engage donc entre les différents centres d’éducation parisiens, nourrie par des étudiants volontiers turbulents, quelle que soit l’école dont ils dépendent.
Le diplôme signé du roi en janvier 1200 clarifie la situation de chacun et accorde à l’Université plusieurs privilèges : le « for ecclésiastique », qui permet à ses membres de n'être jugés que par un tribunal ecclésiastique, comme des clercs – ce qu’ils sont, leur tonsure en atteste ; puis vient l’exemption de taxes et de charges militaires et l'excommunication pour quiconque porte la main sur eux.
Le document, rédigé par le légat pontifical Robert de Courçon, est reconnu en 1215 par le pape Innocent III.
Organisation des études
La charte regroupe les écoles en facultés selon leur spécialité. L’étudiant passe d’abord par celle des Arts Libéraux, où le cursus est composé du trivium et du quadrivium.
Il s'agit d' un cycle trois années - respectivement dédiées à la grammaire, la dialectique et la rhétorique - qui, après examen, délivre le baccalauréat ; puis un cycle de quatre années - arithmétique, géométrie, astronomie, musique – au terme duquel le bachelier obtient la licentia docendi - la permission (ou licence) d’enseigner – et le grade de maître ès-Arts.
C’est le plus haut degré des études « artiennes », lesquelles sont vantées par la sagesse populaire : « Qui les Sept Arts toutes sçaroit, En toutes loix creus seroit. »
Le maître ès-Arts, qui a assimilé le savoir contenu dans les œuvres d’Aristote, Sénèque, Cicéron, Boèce, Isidore de Séville, Boèce… peut alors poursuivre dans l’une des trois autres facultés spécialisées : Décret (ou droit canonique), Théologie ou Médecine.
À l’issue de ce nouveau cycle sont obtenus le grade du doctorat et le titre de docteur. Devenu professionnel de sa spécialité, le docteur peut participer aux débats intellectuels, spirituels ou juridiques en tant qu’expert. Bien que les docteurs en théologie, médecine et droit soient considérés comme supérieurs aux maîtres es-Arts, c’est parmi ces derniers qu’est élu le Recteur de toute l’Université. À ses côtés, se tient le Chancelier, représentant l’évêque au sein de l’institution. Cette organisation va perdurer jusqu’à la Révolution Française.
Un tel cursus s’entame souvent aux alentours de 13-14 ans et peut prendre jusqu’à 15 ans. Il n’est pas rare que l’élève trouve dans son maître un père de substitution. Pour le le meilleur comme pour le pire.
Ainsi, parlant de Pierre Abélard, Jean de Salisbury (Metalogicon, 1159) écrit :
« (…) Sur la montagne Ste Geneviève, [mon] illustre et admirable maître, l’emportait alors sur tous. Là, à ses pieds (…) tout ce qui sortait de sa bouche, je le recevais avec toute l’avidité dont était capable mon esprit (…) La pratique scolaire parfois fait croître la science jusqu’à l’enflure. [J’ai connu] une école philosophique dans laquelle on considérait comme insurmontable la question de savoir si un porc qui est emmené au marché, l’est par l’homme ou par la corde à laquelle il est attaché. »
Les souvenirs des excellents professeurs n’excluent pas cependant, une fois l’élève parvenu à maturité et professeur lui-même, de faire preuve d’esprit critique envers les circonvolutions des doctrines dont il a été l’auditeur.
Les relations maîtres-élèves peuvent être fort brutales et physiquement douloureuses : « Presque chaque jour j'étais lapidé par une furieuse grêle de soufflets et de coups de fouet, (…) frappé de manière honteuse, je portais de multiples meurtrissures dont sans raison il [le précepteur] ne cessait de zébrer ma peau. » (Guibert de Nogent, De vita sua, vers 1115).
Elles blessent aussi moralement, comme lorsque Gilbert de la Porrée, désespéré du niveau de ses élèves, leur recommande d’aller plutôt faire carrière dans la boulange. (Les métiers de bouche sont alors les moins considérés car les moins spécialisés, tout le monde pouvant faire du pain).
Ces « escholiers », venus parfois de très loin, oscillant entre vénération, crainte et irrévérence, sont répartis par la faculté des Arts en quatre Nations, selon leur origine géographique. On distingue la nation française (qui inclut jusqu’aux régions méditerranéennes), la nation normande et la nation picarde, à laquelle s’adjoignent les Flamands et les Hollandais.
Enfin, la nation anglaise accueille aussi Scandinaves et Allemands et, après la Guerre de Cent Ans, quand ce qui est anglais n’est plus le bienvenu, devient la nation allemande.
Pour se comprendre, ces émigrés d’horizons différents recourent à la seule langue qui leur soit commune : le latin. Il s’agit d’un latin médiéval ou latin d’Église assez éloigné du latin classique de Cicéron. L’Université de Paris devient alors « le pays latin » (la trouvaille serait d’Érasme lui-même), bientôt changé en « Quartier Latin ». Mais les clichés de l’époque ont la peau dure comme le témoigne la prose de Jacques de Vitry (1180-1240), prédicateur qui décrit ainsi les Nations de l’Université de Paris :
« Les Allemands étaient voleurs et maquereaux, les Anglais, ivrognes et couards, les Français, orgueilleux et efféminés, (…) les Bourguignons grossiers et sots, les Lombards, avares et pleins de malice, (…) les Flamands, adonnés à la bonne chair, les Brabançons, incendiaires et voleurs. »
Être « escholier » au Pays latin
Pour mieux comprendre comment est composé ce corpus estudiantin, l’origine géographique doit être corrélée avec l’origine sociale. Paris « recrute » d’abord son contingent dans les régions proches (domaine royal, pays de Loire) ; ce sont alors des fils d’artisans, de commerçants, de maréchaux-ferrants, de notaires… que l’on retrouve sur la Montagne Sainte-Geneviève.
Il y a bien quelques rejetons de nobles ou de chevaliers mais moins que de jeunes de la classe moyenne, car la noblesse n’attend pas après les études pour trouver des postes à sa progéniture. Cette dominante aristocratique est finalement plus présente parmi les étudiants étrangers. Car seules les riches familles de contrées lointaines ont les moyens de payer le long voyage vers Paris. Et la réputation de l’universitas est telle qu’elle vaut bien la dépense.
Au fur et à mesure qu’apparaissent d’autres universités, elles aussi recrutent parmi leurs « nationaux » : ainsi, il y a moins d’étudiants anglais à Paris lorsqu’Oxford atteint son apogée. Le choix de l’université dépend aussi de la matière recherchée : Paris est très réputée pour le droit ; après sa création, l’université de Montpellier attire en revanche plus volontiers les prétendants, même parisiens, au beau métier de médecin.
Il existe des cas, plus rares, d’enfants d’origine très modeste voire pauvre, repérés pour leurs capacités lors de leur passage dans les écoles « primaires » tenues dans les cures des villages et qui sont poussés dans la voie d’études plus longues, grâce à l’appui d’érudits ou de monastères locaux, qui peuvent subvenir à leurs besoins.
La vie matérielle reste compliquée pour les jeunes gens qui ne reçoivent pas toujours l’accueil escompté. Ainsi Rutebeuf, clerc et poète, décrit-il l’ambiance générale : « Étudiants exceptés, les autres clercs sont tous agrémentés d'avarice. » ( Les plaies du monde, 1252).
Pour rattraper leurs folles dépenses, les étudiants doivent trouver des expédients :
Les dés que les détiers ont faits
M’ont dépouillé de mes habits,
Les dés m’occient
Les dés me guettent et m’épient
Les dés m’assaillent et me défient
La Griesche d'hiver (1250-60)
Il faut dire que les étudiants n’ont pas toujours une conduite exemplaire. Leur tenue, aussi bien morale que vestimentaire, laisse vraisemblablement à désirer et les rixes entre eux ne sont pas rares, d’autant que beaucoup sont armés. : « Vont les escoliers court vestus par ville, dagues et cousteaux à la ceincture. » (Nicolas de Baye, 1400-1417)
Ils se livrent aussi à des activités peu recommandables, dans une recherche parfois effrénée de plaisir et sont nombreux à se laisser tenter :
Tandis que je revenais d’une taverne sous l’empire de Bacchus,
Je me suis aperçu qu’elle jouxtait un temple de Vénus.
(Carmina Burana , vers. 1230)
Pour ceux qui ne finissent pas mauvais garçons, quels sont les débouchés envisageables pour ces bacheliers ou docteurs, notamment en droit ou théologie, spécialités parisiennes ? Ils peuvent évidemment devenir professeurs de la faculté qui les a eux-mêmes formés, voire recteur de l’Université.
Le service de l’État ou d’un prince est également une ambition facilitée pour les étudiants parisiens, car les gens de cour viennent régulièrement visiter les locaux. Ainsi, au début du XIIIe siècle, Gauthier Cornu, docteur en droit, devient conseiller de Saint Louis ; au XIVe siècle, Nicolas de Baye, né serf, atteint, grâce à ses études, la charge de premier président au Parlement de Paris.
Cette période est celle où les souverains puisent le plus dans la manne universitaire pour octroyer des postes : à l’exemple de Gilles de Rome, professeur de théologie appelé par le roi Philippe III pour être le précepteur de l’héritier du trône.
Certains anciens « escholiers » parisiens accèdent même à la fonction suprême tels le Cahorsin Jacques Duèze ou le Pyrénéen Jacques Fournier, respectivement devenus les papes Jean XXII (1316) et Benoît XII (1334) ; voire à un niveau encore supérieur en méritant la canonisation : l’Italien Thomas d’Aquin († 1274), le Bavarois Albert von Bollstädt (saint Albert le Grand † 1280), l’Espagnol Ignace de Loyola († 1566).
Enfin la carrière des lettres et de la pensée est une autre possibilité, comme pour le poète angevin Joachim du Bellay, le réformateur genevois Jean Calvin ou le philosophe Érasme de Rotterdam.
Il est même de si bon ton d’être passé par Paris, qu’on peut le prétendre même s’il n’en est rien : c’est le cas du poète toscan, Dante Alighieri, dont on est toujours incertain de la présence sur les bords de la Seine dans les années 1300, même si la Divine Comédie (Paradis, chant X) mentionné son maître Siger de Brabant :
C'est la lumière éternelle de Siger
qui, enseignant dans la rue du Fouarre,
syllogisa des vérités qui éveillèrent l'envie.
Passer par l’Université demeure donc longtemps un moyen de se trouver une place dans le monde. Être réfractaire aux études semble, en revanche, le plus sûr chemin vers la déshérence. C’est la morale que François Villon étudiant joueur, voleur voire même assassin – tire de sa propre expérience, alors qu’il attend la mort dans un cachot du Châtelet :
Hé ! Dieu si j'eusse étudié
Au temps de ma jeunesse folle
Et à bonnes mœurs dédié
J'eusse maison et couche molle ;
Mais quoi je fuyais l'école
Comme fait le mauvais enfant.
(Le Testament, 1461)
La notion médiévale de collège
Il est difficile de donner des chiffres pour des périodes hautes n’utilisant pas la statistique ; les estimations les plus raisonnables évoquent 5 000 étudiants, les plus enthousiastes 20 000. Ce dernier chiffre semble bien avoir été atteint mais pas avant le milieu du XVe siècle.
À cette époque, Paris compte à peu près 150 000 habitants, chiffre similaire à celui des années 1250. La Peste Noire ayant tranché dans le vif d’une population montée à 275 000 habitants au début des années 1330. Pour loger cette foule, se créent des collèges. Ce sont des lieux de vie, non des lieux de cours. Étudiants et professeurs y sont logés aux frais du fondateur de l’établissement, mais apprennent et enseignent ailleurs, parfois même en pleine rue.
Ainsi, subventionnés par de généreux donateurs, des professeurs dépourvus de toute charge matérielle peuvent enseigner gratuitement à des élèves venus de tous les horizons, peu fortunés et dont le budget est déjà largement grevé par l’achat des livres et de fournitures.
Le premier collège – des Dix-Huit – est fondé par un Anglais en 1180, avant l’acte de naissance de l’Université. Jusque vers 1450, 60 établissements similaires éclosent sur les pentes de la Montagne-Sainte-Geneviève.
Certains sont séculiers, fondés dans le but d’accueillir avant tout les étudiants compatriotes du donateur (collège de Danemark, 1275 ; des Lombards, 1334 ; des Allemands, 1348).
D’autres sont réguliers et encadrés par les moines d’ordres religieux : le collège des Cordeliers, fondé en 1217, celui des Bernardins, fondée en 1246 ou encore celui des Carmes, en 1255.
Ainsi se développe la cohabitation des activités d’hébergement et d’enseignement, qui devient ensuite la norme. Le terme collège prend alors le sens que nous lui donnons aujourd’hui.
Il existe de forts antagonismes entre les collèges réguliers et laïcs, les membres des seconds accusant parfois ouvertement les premiers d’endoctrinement.
Dans la Discorde des Jacobins (1250), Rutebeuf les accuse sans y mettre beaucoup de formes de prêcher dans « une école où ils veulent enseigner de force ». Plus loin, il stigmatise leur hypocrisie : « Les Jacobins ont fait leur entrée dans le monde vêtus de robes blanches et noires. Toutes les vertus en eux abondent : qui le veut peut toujours le croire. Par l'habit, ils sont nets et purs, mais vous savez bien ce qu'il en est : si un loup portait une cape ronde, il ressemblerait à un prêtre. »
Il faut dire qu’en ouvrant leur école, ces moines dominicains se posent en « briseurs de grève » et mènent les maîtres des autres facultés à reprendre les cours !
Malgré ces turbulences répétées au cours des siècles, de grands personnages s’investissent dans le soutien à l’Université : ainsi la reine Jeanne, épouse de Philippe IV, fonde le collège de Navarre en 1304.
Le cas d’école (si l’on ose dire) reste la Sorbonne : ou comment un collège comme les autres finit par incarner l’Université toute entière !
Robert de Sorbon, confesseur du roi Louis IX fonde en 1253 un collège à son nom, en exécution du legs d’un médecin de la reine. Grâce au 1 500 livres parisis de ce don, il crée une « pauvre maison » d’hébergement pour seize boursiers, choisis pour leur valeur intellectuelle, sans distinction de Nation ou de condition sociale.
Avec sa rigoureuse règle de vie « égalité, collégialité, moralité, scolarité » et ses excellents professeurs, la « pauvre maison » devient l’une des plus fameuses écoles de théologie de Paris. Ce prestige va s'étendre à l'institution universitaire dans son ensemble : c'est l'avènement de « La » Sorbonne.
L’installation en son sein de la première imprimerie de France en 1469 lui permet de devenir le fer de lance de la modernité universitaire. Mais déjà, les rois de France tentent de la ramener sous leur coupe, jugulant voire supprimant sa liberté médiévale.
Paris, troisième plus vieille université d’Europe
La naissance de l’Université de Paris s’inscrit dans un mouvement général qui touche la chrétienté en ce qu’il est convenu d’appeler le « beau Moyen Âge » (XIe-XIIIe siècles). Le mot université pour désigner une association de maîtres et d’étudiants est employé pour la première fois à Bologne en 1088 : la ville abrite donc toujours la plus vieille université d’Europe.
Ce regroupement était celui d’étrangers qui cherchaient à se prémunir d’une justice locale trop souvent expéditive à leur endroit. En s’associant, ils se mettaient chacun sous la protection du groupe. Cet état de fait vu validé par le droit lors de la promulgation d’un acte officiel de protection par l’Empereur Frédéric Barberousse en 1158.
La deuxième plus ancienne université européenne est celle d’Oxford. Une activité éducative y est évoquée dès 1096, mais ce n’est qu’en 1116 que l’on est sûr de la présence d’un enseignant (écolâtre) dispensant son savoir à une cinquantaine d’auditeurs. Les premiers privilèges juridictionnels sont accordés par le roi à cette communauté en 1165.
Il s’agit alors pour Henri II de contrer les écoles cathédrales et notamment celle de l’évêque de Cantorbéry, Thomas Beckett. Comme à Paris, donc, c’est à une querelle avec l’épiscopat que l’université anglaise doit son essor. A ceci près, qu’outre-Manche, le conflit s’achève par l’assassinat de l’évêque par ordre du roi (1170).
L’écho entre Oxford et Paris se propage encore. Ainsi, par injonction royale en 1167, tous les étudiants anglais du Quartier Latin sont obligés de revenir étudier at home, et ceux qui rêvaient des bords de Seine sont invités à préférer le cours de la rivière Cherwell.
Enfin, lorsqu’en 1229, l’Université de Paris connaît sa première grève, parce que la justice royale s’y est exercée, a contrario des statuts de 1200, nombre d’étudiants partent pour Oxford. Ils ne reviendront pas à la reprise des cours, deux ans plus tard.
De fait, autrefois rebelles à l’autorité tant royale qu’ecclésiastique, les universités médiévales deviennent désormais rivales entre elles. Cela n’a pas changé huit siècles plus tard.
Source : Hérodote
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