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FOURVIERE ET LA TOUR TRONQUEE


 

1841- Daguerréotype du Quai de l’Archevêché, et la colline de Fourvière avec la tour-observatoire de Pollet- Document personnel

Une « fantaisie » passagère

 

A peine  construite, déjà détruite, la tour-observatoire, aperçue sur de nombreuses gravures et photos de 1831 à 1858, n’a cependant pas défrayé les chroniques. Pourquoi les propriétaires n’ont-ils pas réussi à la sauver de la destruction ?  A-t-elle été utile? Des questions mais peu de réponses satisfaisantes.

A travers les écrits et documents consultés, nous pouvons cependant retracer une partie de la fugace histoire de cet observatoire.

 

Construit à l’Initiative du « Sieur Gouhenant » d’après les plans de  Jean Pollet en 1831, ce haut bâtiment situé sur le point culminant de Lyon, était destiné à la science et aux arts.

 

Aux dires de son concepteur, la tour de 50m de hauteur «  aura un salon au rez-de-chaussée, un atelier de peinture au premier, des salons d’exposition au bénéfice des artistes aux deuxième et troisième étage, et l’observatoire garni des meilleurs instruments au 4e étage. Quatre quinquets, multiplicateurs, pourront la nuit s’apercevoir à plus de 80 lieues. Un paratonnerre haut de 30 pieds protégera la ville [..]Sans autre but que celui d’être utile aux arts et aux sciences, de porter coup à l’ignorance, d’exhorter à l’étude et à l’instruction » (1)

 

Les travaux de la tour commencent en 1831, mais rapidement, Gouhenant, ayant épuisé ses ressources personnelles, fait appel à l’Académie pour l’aider à terminer son projet. Malheureusement, l’aide financière sollicitée lui est refusée malgré l’accord du préfet Gasparin et celui de la commission académique.

 

Nous n’avons pas trouvé les motifs de ce refus, seules quelques réserves émises sur les dimensions de la tour et sur la fiabilité du paratonnerre, mais rien qui n’empêche la suite du projet.

 

Un document émanant des annonces légales du Moniteur judiciaire de Lyon, daté du 10 août 1833, nous apprend l’expropriation d’une haute tour carrée servant d’observatoire sur le site de Fourvière : « M.Jean-Baptiste Perreyve père, propriétaire rentier, demeurant à Lyon, terrasses de Fourvières, est resté adjudicataire, aux prix, clauses et conditions qui y sont énoncées, des immeubles expropriés au préjudice du sieur François-Ignace Gouhenant, entrepreneur, demeurant actuellement à Lyon, rue de la Reine, n°38, situé à Lyon, terrasse  de Fourvières consistant en une haute tour carrée, servant d’observatoire, ayant rez- de-chaussée, quatre étages, et plate-forme au-dessus, entourée d’une balustrade en pierres, et en un petit corps de bâtiment contigu, construit en maçonnerie, ayant rez- de- chaussée et premier étage, et en une terrasse à l’orient ; le tout formant un seul tènement ».

 

 

Gouhenant exproprié, la tour continue  probablement de remplir ses fonctions, si ce n’est d’observatoire, au moins celle d’attraction touristique.

 

Des récits indiquent le passage de personnalités comme Stendhal, Michelet, Flora Tristan,  et citent leur enthousiasme quant à la vue jusqu’aux Alpes depuis cette tour. C’est l’époque  des passions pour  les points de vue et le pittoresque, et Fourvière fait partie du « Grand Tour » des aristocrates anglais « on peut voir la ville comme sur un plan scénographique » (2).

 

Eloges et engouements sont de mise pour le site de Fourvière, le billard et le restaurant étant très prisés, mais nous n’avons trouvé aucun écrit mentionnant une quelconque utilisation, par les savants, du télescope de 200 mm et de la lunette de 100 mm.

 

La haute tour fait cependant l’objet de nombreuses critiques. Les détracteurs sont quelquefois virulents, à commencer par Boitel en 1833 dans son ouvrage La vue de Lyon depuis Fourvière « Mes yeux furent vivement choqués de l’espèce d’observatoire que monsieur Gouhenant y a planté.

 

Depuis que cette grande tour carrée est là-haut, il n’y a plus de poésie dans la vieille chapelle aux miracles ; le coteau de Fourvières est aplati, écrasé ; la statue de la Vierge touchait au ciel, la tour Gouhenant l’a refoulée vers la terre. S’il ne fallait que douze francs pour faire démolir la tour Gouhenant, je ne dinerais pas pendant six jours, et le septième la tour serait démolie.

 

Cette grande masse de moellons sur la jolie côte de Fourvière, est comme un pied de cheval sur la gorge d’une femme : c’est de la barbarie. ». Quant à Paul Saint-Olive(3), il la compare à une vilaine gaine de cheminée mais ne partage pas pour autant l’idée de sa démolition et ajoute que, sans elle, le clocher de la chapelle paraîtrait d’une « maigreur étonnante ».

 

 

Pollet envisageait l’avenir de son observatoire en campanile de la future basilique, mais il en fut autrement.

 

 

La colline de Fourvière, site du forum vetus de Trajan, l’ancienne place publique romaine, a toujours conservé son statut de belvédère. Du palais de l’empereur à la basilique, l’emplacement en promontoire a, de tout temps, été un symbole de domination ; celui  du pouvoir impérial  puis du souvenir des martyrs chrétiens, et enfin celui de la Vierge Marie.

 

Pour contrecarrer la hauteur de la tour-observatoire laïque qui lui fait concurrence,  une statue dorée géante de la Vierge est érigée en 1852 sur le clocher de Fourvière rehaussé, pour que « son éclat rayonne aux quatre points cardinaux » (4).

 

La reconquête symbolique se poursuit avec la démolition de la tour-observatoire.  En 1853, la Fondation de Fourvière créée par le cardinal de Bonald, achète le tènement du bâtiment impliqué et le fait démolir à mi-hauteur en 1858.  Enfin dans un but de sanctuarisation  du belvédère, la construction d’une basilique monumentale est décidée en 1872. La colline prend alors une fonction de signal fort à la gloire de l’Eglise catholique. C’est la colline qui prie.

 

 

La tour-tronquée est toujours là. L’observatoire, l’atelier de peinture,  les salles d’expos et de billard ont disparu, seul le restaurant panoramique occupe le rez-de-chaussée.

 

SOURCES

(1)Jean BURDY- Patrimoine/La tour-observatoire de Fourvière 2016

(2) Nouvel indicateur des monuments et curiosités de Lyon en 1817

(3) Paul SAINT- OLIVE- La Revue du Lyonnais 1854

(4) Louise RADISSON – Master 1 CEI -Mémoire| juin 2014

Pierre-Yves SAUNIER- LYON AU XIX SIECLE: LES ESPACES D’UNE CITE 1993

 

Source : La Ficelle

Dessin J Bordet d’après le projet de Pollet

 



09/01/2018
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