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L'INFANTICIDE ET LA MORTALITE INFANTILE

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Cet article reflète très précisément la précarité de la vie des enfants et ceci au moins jusqu'au début du XXe siècle. Je prends en exemple les enfants de mes arrières grands-parents ( côté maternel )

Pauline et Alexandre eurent ensemble 9 enfants dont  4 seulement, dont ma grand-mère, arriveront à l'âge adulte. Ses frères et soeurs décéderont avant l'âge de 20 mois.

 

Martine

 

 

L'INFANTICIDE ET LA MORTALITE INFANTILE

 

Les cas d’avortements, le grand nombre de décès d’enfants mort-né ou en bas âge et les fréquents abandons de bébés attestent de la fragilité des nouveau-nés et des difficultés d’existence de nos aïeux.

Parce que les grossesses non désirées et la mortalité des jeunes enfants sont importantes, l’Église, les médecins et les autorités n’ont de cesse de réagir contre tout ce qui pourrait être un obstacle à la naissance et à l’existence d’un nouveau-né. 

 

Ainsi, un édit de 1556 contre « le recelé de grossesses et d’accouchements », un autre de 1585 et une déclaration de 1708, obligent les filles non mariées et les veuves qui attendent un enfant à venir déclarer leur grossesse devant les autorités civiles ou ecclésiastiques (cf les déclarations de grossesses que l’on trouve parfois au hasard des registres paroissiaux ou dans la série B des Archives départementales).

 

Dans le même temps, les jeunes filles et les femmes qui ont eu recours à une interruption volontaire de grossesse sont passibles de la peine de mort. Mais cette sanction n’a pas toujours été appliquée, ainsi Gildas Bernard, dans son Guide des recherches sur l’histoire des familles, cite un arrêt du 12 février 1731 qui condamne « une certaine Anne Landouze, fille de laboureur et servante domestique, atteinte et convaincue d’avoir celé sa grossesse et son accouchement à être battue et fustigée nue de verges, marquée de deux fleurs de lys sur les épaules et bannie à perpétuité. Le jugement en première instance l’avait condamné à être pendue ».

 

On le voit, l’Église et la société, notamment la communauté des femmes, surveillent et dénoncent les filles suspectées d’infanticide volontaire ou involontaire : selon Goubert, « les missionnaires de Bretagne, en pays Léonard, accusent les époux de piétiner le corps des futures mères pour interrompre la grossesse ».

 

A travers les mesures radicales des autorités, il s’agit également d’endiguer le problème de l’abandon des enfants illégitimes.

 

Malgré un usage plus fréquent des moyens contraceptifs (vieilles drogues, préservatifs évoqués par Casanova, l’étreinte réservée et le coït interrompu), les grossesses non désirées, « nés de l’insouciance ou de la violence », sont alors courantes. Dès lors, « l’abandon d’enfant, fait d’exception et de crise, devient habitude de tous, il n’est pas réservé au couches populaires, on le voit bien à Paris. 

 

C’est un indicateur du désarroi et un témoignage de l’évolution des moeurs ; la baisse du nombre d’avortements réussis proclame, peut-être, le succès de la lutte pour sacraliser l’enfance ; mais la multiplication des abandons indique que la relation à l’enfant est encore fragile » (cf Pierre Goubert).

 

Tout comme est fragile la vie d’un nouveau-né, et les enfants mort-nés ou morts prématurément sont alors nombreux : un sur quatre meurt dans les heures, les jours ou les semaines qui suivent sa naissance. Vingt à quarante pour cent n’atteignent pas l’âge d’un an ! Ceci explique peut-être le développement du culte marial et la multiplication des sanctuaires à répit, dédiés à Notre-Dame, où les parents portent les enfants mort-nés pour les baptiser : « Ils sont censés revivre pour recevoir le sacrement qui leur évite d’errer dans les limbes et assure le salut, avant de retomber dans un dernier sommeil »

 


Les raisons de ces décès sont nombreuses et variées : les malformations congénitales, les conséquences d’un accouchement difficile (traumatismes, maladresses), le manque d’hygiène, un manque de surveillance de la part des parents, les maladies et notamment les entérocolites ou gastro-entérites estivales (cf les registres paroissiaux de juillet à septembre), les « coups de chaleur » à cause de l’emmaillotement, mais aussi « les coups de froid » en hiver en raison de l’obligation de baptiser le nouveau-né dans les vingt-quatre heures qui suivent la naissance (les fonds baptismaux sont parfois loin et l’église n’est jamais chauffée !), et enfin, les risques d’étouffement, accidentel ou non, dans le lit conjugal (on parle alors de « suffocation »).

 

 

Face à tant de décès, il nous est difficile aujourd’hui de comprendre l’attitude des parents : ceux-ci semblent souvent résignés à accepter ces morts répétés et souvent vite remplacées par une nouvelle naissance (le nouveau-né porte généralement le nom de l’enfant décédé). « Petits enfant, petits deuils », écrit Pierre Goubert. Pour M. Laget, c’est comme si « l’enfant né et qui court tant de risques n’avait pas encore accès à la vie », comme si tous ces décès devaient s’inscrire dans l’ordre naturel des choses.

 

Thierry Sabot

 

 

Bibliographie :

 

  • Philippe Ariès : L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Éditions du Seuil, 1973.
  • François Lebrun : La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1975.
  • J.Gélis, M. Laget, M.F. Morel : Entrée dans la vie, naissance et enfance dans la France traditionnelle, Paris, Gallimard, 1978.
  • Pierre Goubert : Les Français et l’Ancien Régime, tome 2, Paris, Armand Colin, 1991.
  • Robert Muchembled : Société, culture et mentalités dans la France moderne, XVI-XVIII° siècle, Paris, Armand Colin, 1994.


24/04/2018
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