Bienvenue dans mon Univers

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LEONARD ARRIVE EN FRANCE

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Sur cette gravure de 1913, Léonard de Vinci présente sa « Joconde » à François Ier. Le roi l’achètera à l’artiste. Gusman/Leemage

Doublé par Raphaël à Rome, le peintre est isolé en Italie. Par bonheur, François Ier, qui a le coup de foudre pour lui, l’invite à Amboise.

A l’hiver 1516, lorsqu’il traverse les Alpes, il emporte trois de ses tableaux, dont la « Joconde ».

 

Le dos voûté, penché vers les oreilles de son mulet, Léonard de Vinci se redresse parfois pour admirer les cimes enneigées. L'hiver a repris ses droits sur le sommet des montagnes en cette fin 1516. La neige a recouvert tous les espaces perdus pendant l'été en quelques jours.

 

Cramponné à sa monture pour ne pas tomber, il ne se lasse pas d'admirer ce paysage dont il note chaque détail dans un carnet intérieur niché au coeur de ses pensées. Il a quitté Rome depuis plusieurs jours avec ses deux fidèles disciples, accompagné d'une escorte envoyée par le roi de France, François Ier, pour l'aider à traverser les Alpes, et arriver en France sain et sauf.

 

A 63 ans, il sait que ce voyage est son dernier.

 

Il ne reverra plus jamais les collines de Toscane où il est né.

 

Il n'entendra plus le bruit des tanneurs de cuir dans les rues de Florence.

 

Il ne terminera pas non plus la fresque de la bataille d'Anghiari, dans le Palazzo Vecchio de Florence.

 

Il ne pleurera plus de rage en espérant les commandes qui échoient à ses rivaux, feu Botticelli, à Florence, ou Raphaël, à Rome.

 

Il ne se révoltera plus contre les rumeurs infâmes l'accusant de viol sur des cadavres, ou de sodomie sur de jeunes éphèbes.

 

Pourtant, celui qui chevauche à ses côtés, Francesco Melzi, est inquiet. Ils sont même nombreux à se demander s'il est bien raisonnable que leur vieux maître confie son destin à un monarque si jeune, si intrépide, si capricieux.

 

 

 

« Les Médicis m'ont détruit ! »

 

 

 

A l'abord des premiers contreforts du Mont-Blanc, il ne peut s'empêcher de demander : « Maître, qu'avez-vous dit au pape en quittant Rome ? »

 

Le silence des hautes montagnes est une première réponse. « Rien. Qu'aurais-je dû lui dire ? » souffle Léonard.

Puis il ajoute d'une voix lasse et solennelle : « Que veux-tu, les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit !

 

Jamais ils ne m'ont laissé donner ma mesure sur un chantier important !

 

 

Francesco garde le silence. Il repense aux critiques contre son maître, accusé d'instabilité, de découragement rapide, de difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris. Et au choix du pape Léon X, un Médicis, de prendre Raphaël comme nouveau peintre et architecte de la basilique Saint-Pierre, à Rome.

 

 

Dans une lettre que lui avait montrée un des cardinaux, il expliquait son choix ainsi : « Tout à sa joie d'inventer de nouvelles machines pour alléger la peine des hommes, de fabriquer des onguents pour faire pousser les ongles, ou rendre leur virilité aux pauvres amants, Léonard oublierait sûrement que le but de son travail est d'élever le plus vite possible le dôme de Saint-Pierre. »

 

 

« Il me retenait en quelque sorte prisonnier au Belvédère sans me donner de travail. Cette humiliation devait cesser ! » poursuit Léonard.

 

Tout à coup, le soubresaut de son mulet, manquant de trébucher sur une pierre, le sort de sa rêverie. « Francesco, as-tu bien enveloppé les trois tableaux dans les sacoches ? » lance Léonard de Vinci.

 

 

Le visage juvénile de son ami rougit brusquement : « Oui, maître. Bien sûr. « La Joconde », le « Saint Jean-Baptiste » et la « Sainte Anne » sont emballés dans les sacs en cuir que transporte le mulet juste derrière nous. »

 

Il soulève alors une corde reliée à l'animal : « Je ne le lâche pas ! » « Ce sont là de bien beaux présents », ajoute Francesco.

 

Léonard lui fait signe de rapprocher le mulet et oriente à nouveau son regard vers l'horizon immaculé. Il n'est pas question de faire cadeau de ces tableaux à ces cours italiennes qui n'ont pas compris son génie. Il sent que François Ier est le protecteur qu'il recherchait depuis toujours.

 

Le coup de foudre à Bologne, en 1515, un peu avant la victoire de Marignan, a été réciproque. A peine âgé de 21 ans, sacré roi de France quelques mois plus tôt, le monarque avait tenu à le rencontrer avant même Léon X, qu'il escortait. « Réjouis-toi de cette invitation, Francesco ! lance Léonard. Sans l'hospitalité du roi de France, ma vie n'aurait été qu'errance et mendicité. Je suis certain qu'il me recevra comme il se doit. »

 

 

Lorsqu'ils arrivent en France, François Ier fait savoir à Léonard qu'un château les attend en Touraine, Le Cloux, tout près de sa résidence d'Amboise. Quelques jours plus tard, le roi rentre de campagne et vient rendre visite au maître.

 

 

Subjugué par sa beauté et son charme, l'artiste s'incline devant le souverain. « Majesté, merci de m'avoir accueilli ici, Le Cloux est le havre de paix, de solitude, au milieu de la nature, dont je rêvais. »

 

Magnanime, le roi lui dit : « Je te confie la charge de premier peintre et t'accorde une pension exceptionnelle de 700 écus d'or par an. » En l'entendant prononcer ces mots, Léonard prend les mains du monarque et les porte à ses lèvres.

 

 

« Ta seule tâche, ici, Léonard, poursuit le roi, sera de rêver, de penser et de travailler ! Tu l'auras compris, je veux que tu exerces tout autant le dessin, la peinture, la sculpture, la littérature, la musique, le chant, l'anatomie, la botanique, l'art militaire, la géométrie, l'architecture, la poésie, et ton talent de metteur en scène de fêtes féeriques ! Ton prochain chantier sera le baptême du futur dauphin. J'aimerais que cet événement soit inoubliable. »

 

Sur le point de prendre congé de l'artiste, le roi se retourne : « Ah j'oubliais ! En plus des terres, des écuries, je te cède aussi la cuisinière de mon enfance, Mathurine. »

 

Léonard s'épanouit grâce à François Ier

 

Pendant deux ans, Léonard passe de projets en chantiers, construisant des décors pour les baptêmes et les mariages royaux à grand renfort d'effets spéciaux, imagine un champ de bataille et la prise d'une ville italienne pour célébrer les victoires du roi de France.

 

Puis, il dresse des plans d'ouvrages fluviaux, et imagine un palais grandiose dans la ville nouvelle de Romorantin. L'imagination de Léonard s'épanouit grâce au roi de France, qui l'aime et pourvoit à tout.

 

 

L'artiste meurt le 2 mai 1519, à l'âge de 67 ans. A l'annonce de sa disparition, la cour se trouve au château de Saint-Germain-en-Laye. François Ier s'effondre, ne pouvant retenir ses larmes. Il déclare alors : « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture. » Léonard de Vinci est inhumé dans la chapelle du château d'Amboise.

 

Pour aller plus loin

 

François Ier, roi de chimères, de Franck Ferrand, Flammarion (2014).

 

Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, de Giorgio Vasari (XVIe siècle).

 

Visite du château du Clos Lucé  à Amboise (Indre-et-Loire).

 

Source : Le Parisien Week-end

 

 

 

 

Le château du Clos Lucé était appelé autrefois le manoir du Cloux.



25/06/2019
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