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REVALORISATION SALARIALE : LES ENSEIGNANTS SE MEFIENT

Nombre d’enseignants, très circonspects sur la réalité de la revalorisation salariale promise par Emmanuel Macron, seront en grève jeudi, dans le cadre d’une journée interprofessionnelle à l’appel de diverses organisations syndicales.

 

La concertation annoncée pour le mois d’octobre par le ministre Pap Ndiaye s’annonce elle aussi houleuse.

 

C’est une sorte de passage obligé depuis Jules Ferry et sa lettre aux instituteurs. Ministres et présidents de la République ont pris la plume à tour de rôle pour s’adresser directement au corps enseignant, ces « hussards noirs », ces « maîtres » qui tiendraient entre leurs mains le « futur » de la Nation.

 

Emmanuel Macron s’est lui aussi fendu d’une nouvelle missive, le 16 septembre 2022, afin de convaincre les professeurs de sa « gratitude » mais surtout du bien-fondé de sa méthode pour augmenter les salaires en 2023, promesse présidentielle.

 

C’est peu de dire que le courrier a été mal reçu. « Une lettre alliant le mépris et la provocation », a cinglé la FSU, principal syndicat du premier et second degré, qui appelle à rejoindre la grève interprofessionnelle et les manifestations, jeudi 29 septembre.

 

Cette mobilisation dans toute la France, soutenue également par la CGT, Solidaires, l’Unsa, l’Unef et la Fédération générale des retraités de la fonction publique, a pour tronc commun l’augmentation des salaires et le refus d’une nouvelle réforme des retraites et de l’assurance-chômage.

 

Le ministre de l’éducation Pap Ndiaye l’a pourtant répété lui aussi sur tous les tons depuis la rentrée : plus un seul professeur ne devrait rester « sous la barre des 2 000 euros » dans un an, afin de permettre aux enseignants de rattraper la moyenne de leurs collègues européens et affronter la hausse du coût de la vie.

 

La dernière augmentation du point d’indice qui permet de fixer le salaire « de base » dans l’Éducation nationale – appliquée en juillet de cette année après des années de stagnation pour tous les agents de la fonction publique – a en effet été presque immédiatement absorbée par la hausse de l’inflation.

 

Mais ce sont les petites lignes à la fin du contrat qui inquiètent les syndicats enseignants, d’autant que cette revalorisation est renvoyée à une concertation aux contours encore flous.

 

Dans sa lettre, Emmanuel Macron parle ainsi de « poursuivre la revalorisation générale de la rémunération des enseignants initiée il y a deux ans » ; le salaire des enseignants pourrait ainsi augmenter « d’environ 10 % et aucun professeur ne débutera sa carrière à moins de 2 000 euros net à compter de la rentrée 2023 ».

 

 « S’il veut se donner les moyens d’une réconciliation, c’est raté », a twitté Stéphane Crochet, de SE-Unsa, quand son homologue Catherine Nave-Bekhti à la CFDT parle d’« ambiguïtés » non levées.

 

Plusieurs questions restent en effet sans réponse : est-ce que l’augmentation concernera également les professeurs stagiaires ?

 

Où s’arrête un « début de carrière » dans l’Éducation nationale, puisque nombre d’entre eux disent plafonner sous ces 2 000 euros pendant parfois plus de dix ans ?

 

Comment éviter que les enseignants dont le traitement aura été revalorisé à hauteur à l’orée de leur parcours professionnel ne stagnent ensuite pendant des années, si l’ensemble de la grille salariale n’est pas revisité ? Et que vaut alors la promesse présidentielle d’une augmentation de 10 % de la rémunération de « tous les enseignants » à la rentrée 2023 ?

 

 

Dans le projet de loi de finances, ces interrogations butent sur les chiffres présentés. Le ministère a bien obtenu une enveloppe de 635 millions d’euros pour financer en septembre 2023 la hausse de 10 % promise aux jeunes profs, afin de créer un « choc d’attractivité ».

 

En effet, l’an dernier, les concours pour devenir professeur n’ont pas fait le plein dans plusieurs académies, une crise des vocations sans précédent.

 

Mais pour augmenter la rémunération de 10 % de tous les personnels de septembre à décembre 2023, il faudrait engager 1,2 milliard d’euros, le double du budget prévu, considèrent les syndicats.

 

Le gouvernement brandit une autre ligne budgétaire, 300 millions d’euros supplémentaires « pour pouvoir, à la fin de la concertation avec les organisations syndicales, définir un certain nombre de nouvelles missions qui pourront donner lieu à une rémunération complémentaire d’environ 10 % ».

 

La part d’augmentation inconditionnelle sera donc bel et bien réservée aux débutants comme le craignaient les personnels. Il faudra ensuite, pour gagner plus, travailler plus.

 

Ce qui permet d’éclairer sous un jour nouveau les détours langagiers du ministre de l’éducation, qui a assuré que tous les professeurs seront « susceptibles » d’être augmentés.

 

C’est le nœud de la controverse, nichée dans le vocable présidentiel d’un « pacte » conclu avec les enseignants. Lesquels sont appelés à prendre en charge de nouvelles missions rémunérées afin d’améliorer leur pouvoir d’achat.

 

Ces missions, dont certaines sont déjà effectuées dans les établissements, restent floues : remplacement de collègues absents, accompagnement individualisé des élèves, suivi de projets numériques, pédagogiques, d’évaluation.

 

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait même soumis l’hypothèse que ces nouvelles missions soient actées « par contrat » dès l’embauche. Au ministère, on parle désormais de « volontariat ».

 

Les 300 millions de 2023 sont d’ailleurs des crédits appelés à augmenter, en fonction de l’enthousiasme des enseignants pour la méthode.

 

Afin de déminer, l’entourage du ministre de l’éducation a dit aussi ne pas fermer la porte à « d’autres modalités » pour améliorer la fiche de paye en fin de carrière, une accélération de l’avancement par exemple.

 

Sans vraiment convaincre : « À peine sorti de la rentrée de la pénurie, le ministre confirme qu’il veut donc résorber la crise de recrutement en alourdissant la charge de travail des personnels », juge le Snes-FSU.

 

Plusieurs études, dont l’une relayée par l’Éducation nationale elle-même, avait effectivement alerté sur l’intensification du travail des enseignants du premier degré en particulier.

 

Tous ces sujets seront au cœur de la concertation qui devrait débuter en octobre, en parallèle à l’examen de la loi de finances.

 

Bien que plutôt satisfaites des relations de travail avec le ministre, les organisations syndicales ont appris depuis l’ère Blanquer à se méfier de ces cycles de discussions, sur lesquels est tombé plus d’une fois le couperet de l’arbitrage présidentiel.

 

Les signaux envoyés en amont sont par ailleurs contradictoires, et planent également sur la mobilisation du 29 septembre : malgré un budget augmenté de 6,5 % par rapport à 2022 dans l’Éducation nationale, le ministre a décidé de supprimer 2 000 postes dans le premier degré, alors même que le recours aux contractuels s’est multiplié pour boucher les trous à la rentrée.

 

La perspective d’un report de l’âge de la retraite à 65 ans, y compris pour les fonctionnaires, autre feu ouvert par le gouvernement, pourrait également servir de combustible à la mobilisation.

 

Source : Médiapart :  Mathilde  Goanec  le  28 septembre 2022

 

 



29/09/2022
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